Plus il leur disait de se taire, plus ils le proclamaient

« Ses oreilles s’ouvrirent ; sa langue se délia, et il parlait correctement. Alors Jésus lui ordonna de n’en rien dire à personne. Mais plus il leur donnait cet ordre, plus ceux-ci le proclamaient »

Marc 7,31-37.

 

L’Evangile selon Saint Marc fait régulièrement référence à l’ordre de Jésus de ne rien dire des miracles et des expulsions de démons qu’il réalisait au profit des malades et des possédés. En réalité, cet ordre ne peut pas être compris au premier degré. Comment empêcher de parler quelqu’un à qui on vient de rendre la parole ? Comment demander à un lépreux de taire qu’il est guéri, que sa lèpre est partie, qu’il peut reprendre sa place dans la société ? Marc note bien, d’ailleurs, que le contraire arrivait : et tous, « extrêmement frappés… disaient : ‘Il fait entendre les sourds et parler les muets » (Marc 7,37).

 

Mais alors que veut dire cet ordre ? Les savants lui donnent le nom de « secret messianique ». Marc fait dire à Jésus qu’il ne souhaite pas que sa qualité de Fils de Dieu soit proclamée avant sa mort et sa Résurrection. Car le faire trop tôt, c’est induire les gens en erreur, leur faire croire que Jésus nous sauve par sa puissance et non par son offrande sur la croix.

 

Marc veut nous dire qu’on ne peut pas comprendre vraiment Jésus si on ne le contemple pas sur la croix. Il rejoint la déclaration de Paul : « Parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus Christ, ce Messie crucifié » (I Corinthiens 2,2). En effet, prêcher Jésus sans prêcher la croix, c’est tromper les gens, c’est vouloir leur faire croire que la puissance sauve, alors que c’est l’amour et le don de soi… « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jean 15,13). Pour suivre le Christ, il faut accepter sa croix et prendre la nôtre…

 

Seigneur Jésus, ce mystère est grand. Oui, tu étais thaumaturge, tu guérissais et tu pardonnais, mais tu n’as pas supprimé toute maladie, toute souffrance, ni même toute injustice. Tu as montré ta puissance, mais c’est pour nous permettre de vivre dans la confiance les épreuves qui nous rendent semblables à toi sur le bois de la croix. Tu n’es pas un dieu qui supprime toute souffrance, tu nous montres que seule la souffrance offerte brûle en nous le mal et le péché et nous purifie comme le feu purifie l’or.

 

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane