Le jeûne qui me plait

« Jésus leur répondit : ‘Les invités de la noce pourraient-ils donc être en deuil 
pendant le temps où l’Époux est avec eux ? Mais des jours viendront où l’Époux leur sera enlevé ; alors ils jeûneront.’
»

Matthieu 9,14-15.

 

En méditation des deux textes de la Parole de ce jour, je suis heureux de vous offrir cette méditation du patriarche orthodoxe Bartholomée sur le jeûne :

 

« Le jeûne implique un sens de liberté. Le jeûne est une façon de ne pas vouloir, de vouloir moins, et de reconnaître les besoins des autres. Par l’abstinence de certains aliments, nous ne nous punissons pas, mais nous rendons plutôt capables de reconnaître la valeur adéquate de chaque aliment. De plus, le jeûne implique la vigilance. En faisant attention à ce que nous faisons, à la nourriture que nous prenons et à la quantité de ce que nous possédons, nous apprécions mieux la réalité de la souffrance et la valeur du partage.

La crise morale engendrée par notre injustice économique mondiale est profondément spirituelle et signale que quelque chose ne va pas dans notre relation avec Dieu, les hommes et le monde matériel. Nos sociétés de consommation contemporaines ignorent trop souvent l’injustice créée par le commerce mondial et les régimes d’investissement. Or, la modération et l’abstinence que nous enseigne le jeûne nous sensibilisent et nous incitent à avoir compassion des pauvres, et nous invitent au partage des biens matériels.

Le jeûne est donc une alternative critique à notre mode de vie consumériste, à la société de convoitise, qui ne nous permet pas de remarquer l’impact et l’effet de nos habitudes et de nos actions. Le monde spirituel, conditionné par la prière et le jeûne, n’est pas déconnecté du « vrai » monde, et de ce fait, le « vrai » monde est informé par le monde spirituel. Nous ne sommes plus alors étrangers à l’injustice de notre monde. Notre vision s’élargit, nos intérêts grandissent, nos actions gagnent une portée considérable. Nous cessons de limiter notre vie à nos petits intérêts et nous acceptons notre vocation de transformer le monde entier.

Le jeûne ne nie pas le monde, mais affirme l’entière création matérielle. Il rappelle la faim des autres dans un effort symbolique de s’identifier, ou du moins de se rappeler, de la souffrance du monde, afin de languir pour sa guérison. Par le jeûne, l’acte de manger devient le mystère du partage,[1]

 

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane

 

[1] Patriarche Batholomée : lecture à l’Institut Catholique de Paris, 30 janvier 2014.