« Certaines gens venus de Judée voulaient

endoctriner les frères de l’Église

d’Antioche en leur disant : ‘Si vous ne

 recevez pas la circoncision selon la loi

de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés’»

Actes des Apôtres 15,1-6.

Une nouvelle crise éclate, au cours de ce premier grand voyage missionnaire de Paul. Jusque là était contesté le fait que l’Evangile soit proclamé aux païens, ceux qui ne sont pas Juifs ; Maintenant, des groupes d’origine juive ont pris acte que des païens ont accepté le Christ, mais pour eux, cela ne suffit pas : ces gens doivent adopter, en plus du Christ, la loi juive et ses prescriptions, notamment la circoncision.

Deux dimensions de leur comportement semblent graves. D’abord, ils ne respectent pas ceux qui ont été choisis par Dieu comme pasteurs. Ils font partie de ces gens qui ne croient pas ce que leur disent les responsables de l’Eglise. Ils croient avoir davantage raison qu’eux. Certes, il peut arriver que des responsables d’Eglise fassent fausse route, c’est vrai. Mais tant qu’ils ne contredisent pas la morale et les mœurs, ils doivent être respectés et ce qu’ils disent ne peut pas être contesté aussi facilement que cela. Le Seigneur avait averti ses apôtres : « Qui vous écoute, m’écoute » (Luc 10,16) ; ou encore, Jésus ajoute à un autre moment, en référence aux mauvais bergers : « faites ce qu’ils disent, mais ne faites pas ce qu’ils font » (Matthieu 23,3).

L’autre dimension consiste à en rajouter aux règles du Christ lui-même. Certes, chacun peut définir pour lui ou pour elle ce qu’il/elle se sent appelé(e) à vivre, mais de là à l’imposer aux autres, il y a un pas que nous franchissons parfois trop facilement. Le pape François nous rappelle que « Saint Thomas d’Aquin soulignait que les préceptes donnés par le Christ et par les Apôtres au Peuple de Dieu « sont très peu nombreux ». Citant saint Augustin, il notait qu’on doit exiger avec modération les préceptes ajoutés par l’Église postérieurement « pour ne pas alourdir la vie aux fidèles » et transformer notre religion en un esclavage, quand « la miséricorde de Dieu a voulu qu’elle fût libre ». Cet avertissement, fait il y a plusieurs siècles, a une terrible actualité… » (Exhortation apostolique La joie de l’Evangile, n° 43).

Ce qui s’est passé dans les premières années de la mission des Apôtres se répète chaque fois que des chrétiens confondent les paroles de Jésus avec leur propre culture, leur histoire, leurs coutumes. Nous recevons tous l’Evangile dans notre conditionnement historique et culturel. Il nous arrive de ressentir la nécessité d’adapter ces éléments à l’Evangile. Peu à peu, en effet, l’Evangile éclaire, dans ce que nous sommes, les éléments, les habitudes, les coutumes, ce qui est bon et ce que Jésus nous demande de transformer. Ainsi, aujourd’hui, l’Eglise mieux conscience que la mission ne peut se faire que dans un dialogue respectueux des gens et de leur sagesse ancestrale. L’Evangile ne peut pas être imposé. Il ne peut qu’être proposé.

Seigneur Jésus, je te remercie pour ton Evangile de miséricorde. J’en ai bien besoin. Fais que je ne fasse pas aux autres ce que ne n’aimerais pas que tu me fasses et que je ne leur impose pas ce que toi-même n’a jamais cherché à imposer !

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane