Moi, je prierai le Père

EVANGILE DU SIXIEME DIMANCHE DE PÂQUES

ANNEE A

 

« Moi je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez  »

Jean 14,15-21.

Nous entrons dans les deux semaines qui nous séparent de la fête de la Pentecôte, de la venue de l’Esprit sur les disciples de Jésus. Depuis quelques jours déjà, la liturgie de l’Eglise a tourné notre attention. Notre regard ne porte plus sur le tombeau vide et la nouveauté de Jésus ressuscité, il est focalisé sur l’Esprit de Vérité, le consolateur, « lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas » (Jean 14,17).

Quel est donc cet Esprit, et pourquoi le monde ne peut le recevoir ? Jésus, dans l’entretien avec ses disciples, au soir du Jeudi Saint (Jean 13 – 16, quatre chapitres !) le décrit à plusieurs reprises : il est le Défenseur (14,16), l’Esprit de vérité (14,17) ; il vous enseignera tout, et il vous fera vous souvenir de tout ce que je vous ai dit (14,26) ; quand il viendra, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur (15,27) ; quand il viendra, il établira la culpabilité du monde en matière de péché, de justice et de jugement (16,8) ; quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière (16,13) ; lui me glorifiera, car il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître (16,14).

C’est l’Esprit de vérité ! Ainsi, l’Esprit promis est d’abord l’Esprit de vérité. Face à cette vérité, ce monde est confondu.

De quel monde Jésus parle-t-il dans cet entretien, ce monde qui ne peut recevoir l’Esprit ? Ce monde est nommé 15 fois. Jésus l’a vaincu (16,33). Le pape François l’appelle la mondanité. Voici en quels termes il en parlait hier matin à la messe, dans son commentaire sur l’Evangile :

« La mondanité c’est une culture: c’est une culture de l’éphémère, une culture de l’apparence, du maquillage, une culture du « aujourd’hui oui, demain non, demain oui et aujourd’hui non ». Elle a des valeurs superficielles. Une culture qui ne connaît pas la fidélité, parce qu’elle change selon les circonstances, elle négocie tout. Voilà la culture mondaine, la culture de la mondanité. Et Jésus insiste pour nous en défendre et il prie pour que le Père nous défende de cette culture de la mondanité. C’est une culture du prends et jette, selon ce qui convient. C’est une culture sans fidélité, elle n’a pas de racines. Mais c’est un mode de vie, le mode de vie aussi de beaucoup qui se disent chrétiens. Ils sont chrétiens mais ils sont mondains.

« Ne nous trompons pas ! La mondanité n’est en rien superficielle ! Elle a des racines profondes, des racines profondes. Elle est caméléonienne, elle change, elle va et vient selon les circonstances, mais la substance est la même : une proposition de vie qui entre partout, même dans l’Église. La mondanité, l’herméneutique mondaine, le maquillage, on maquille tout pour être comme cela » Le pape aime le paradoxe : il dit qu’elle n’a pas de racines (dans la vérité) mais elle a des racines profondes (les circonstances la commandent)…

Le pape se bat contre la mondanité au cœur de l’Eglise depuis toujours, et particulièrement depuis qu’il est pape. Il rappelle, avec Henri de Lubac, que c’est la pire tentation spirituelle dans l’Église : une église, un clergé, un Vatican « mondains »… Malheur à nous, les disciples de Jésus, si « ce monde » du jetable, ce monde de la « vérité jetable » nous haït !

Au moment où nous souhaitons sortir de la pandémie du Coronavirus, allons-nous reprendre la « mondanité », hier convaincus de changer notre style de vie, juste pour le reprendre demain et vivre comme avant-hier ?

Seigneur Jésus, toi qui a tellement rappelé à tes disciples que si le monde nous hait, c’est parce que nous ne faisons pas partie de cette mondanité, apprends-nous à résister à ses tentations, à le vaincre comme tu l’as vécu en nous attachant vraiment à ton Esprit de vérité !

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane