Nous sommes tous là !

« Le geôlier, tiré de son sommeil, vit que les portes de la prison étaient ouvertes ; croyant que les détenus s’étaient évadés, il dégaina son épée et il était sur le point de se donner la mort. Mais Paul se mit à crier d’une voix forte : ‘Ne va pas te faire de mal, nous sommes tous là.’ »

Actes des Apôtres 16,22-34.

 

Nous sommes toujours dans la ville macédonienne de Philippes. Qu’y a-t-il de plus versatile qu’une foule ? Hier adulés, aujourd’hui pourchassés, les apôtres sont l’objet de répression de la part de la populace et ils se retrouvent en prison. Ils continuent d’y vivre leur foi : ils prient et ils chantent les louanges de Dieu. Ils continuent d’évangéliser ! Ainsi, les circonstances sont peu de choses. Tandis que les uns se plaignent chaque fois qu’il leur arrive quelque chose de malheureux, ou d’imprévu, qui contrecarrent leurs projets personnels, d’autres, en toute occasion, manifestent par leur comportement, la foi qu’ils ont dans le cœur et leur confiance en Dieu.

lorsqu’un tremblement de terre fragilise la prison et ouvre les portes. Le gardien, pris de panique, croyant que les prisonniers s’étaient échappé, craignant d’être sanctionné pour n’avoir pas su les contrôler, est sur le point « de se donner la mort ». Paul le rassure : tous les prisonniers sont là, aucun n’a profité des circonstances pour s’évader.

Quelle étonnant comportement chrétien ! l’Apôtre ne vit pas la prison d’abord comme une injustice, mais comme un lieu qui le relie à son Seigneur et aux autres, dans la charité et la compassion. Car Jésus a été mis en prison, flagellé et torturé. Car être au milieu des prisonniers, c’est être avec le Christ qui a dit : « j’étais en prison, et vous êtes venu me rendre visite » (Matthieu 25,36).

Le comportement de Paul manifeste une confiance absolue en Dieu, et la certitude que la prison est, aussi, un terrain privilégié d’évangélisation. Il me rappelle celui du Bx Émile (Emilian Kovch). C’était un prêtre marié catholique ukrainien. Interné dans un camp de concentration nazi pendant la guerre, il écrivait encore à sa famille, la veille de sa mort, quand il apprit qu’elle cherchait à le libérer : « Je vous en prie, ne le faites pas. Hier ils ont tué 50 hommes. Si je n’étais pas là, qui les aiderait à supporter de telles souffrances? Que pourrais-je demander de plus au Seigneur? Ne vous inquiétez pas pour moi. Réjouissez-vous avec moi… »

La pandémie dans laquelle nous vivons est une occasion rêvée pour les disciples du Christ de manifester le fond de leur cœur. Comment réagissons-nous ? Prions-nous et chantons-nous les louanges de Dieu ? Avons-nous de la compassion pour ceux qui nous entourent, pour ceux qui nous empêchent de nous rassembler ? Ou bien sommes-nous en train de nous plaindre, comme si Paul, en prison, se plaignait de ne pas pouvoir vivre sa foi et les rites chrétiens qu’il pratiquait lorsqu’il était libre. J’en entends qui sont d’abord inquiets de ne pas pouvoir prier et célébrer les sacrements « comme d’habitude »… J’en vois d’autres qui préoccupés de ceux qui ont faim. Hier, j’ai été interpellé par un ami qui me dit que les Syriens recueillis dans le gymnase du collège Justin Catayée, sont menacés d’être remis sur la plage dans quelques jours… Où sommes-nous ? Quel témoignage donnons-nous qui puisse manifester que « Ce n’est pas moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi » (Galates 2,20) ?

Seigneur, l’héroïsme de ces hommes ne commence pas le jour où ils sont persécutés. Jour après jour, ils ont construit le désir de te ressembler, de ses laisser façonner par ton Esprit. Leur oui devant les situations extrêmes n’est que l’accomplissement des oui quotidiens. Aide-moi à te dire oui en toute circonstance !

† Emmanuel Lafont

Evêque de la GuyanE