Est-ce que le ciseau se glorifie aux dépens de celui qui s’en sert pour tailler ?

PREMIERE LECTURE

MERCREDI, QUINZIEME SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE – 2

« Est-ce que le ciseau se glorifie aux dépens de celui qui s’en sert pour tailler ? Est-ce que la scie s’enorgueillit aux dépens de celui qui la tient ? C’est pourquoi le Seigneur Dieu fera dépérir ces soldats bien nourris »

Isaïe 10,5-7.13-16.

Nous méditons aujourd’hui sur un oracle du prophète Isaïe contre l’Assyrie. C’était la superpuissance de son époque. Les prophètes, en règle générale, ne parlent pas que de leur pays. Pour eux, le Seigneur règne sur la terre entière et sur tous les peuples. On peut relire Amos 1,3 – 2,3, qui rassemblent une série d’oracles sur pratiquement tous les peuples entourant le peuple d’Israël. Isaïe a souvent parlé de l’Assyrie (cf. 5,26-30 ; 8,7 ; 13,5 ; 30,27 ; 37,26).

Il est difficile de dater cet oracle. Il peut avoir été prononcé en 717 (Lorsque le roi d’Assyrie, Sargon II a conquis la ville de Karkemish) soit en 701, lorsque le roi assyrien Sennakérib est venu mettre le siège devant Jérusalem. Peu importe. La leçon est la même. Disons, pour la clarté de l’explication, qu’il s’agit de Sennakérib.

Selon la pensée biblique, tout est sous le contrôle de Dieu, le bien tout comme le mal. Le bien comme récompense, le mal en punition pour la désobéissance humaine. C’est dans cette perspective qu’Isaïe s’exprime. Il considère que toute défaite devant l’Assyrie est la conséquence du l’infidélité de ce peuple. Dieu a donc logiquement choisi l’Assyrie pour infliger une leçon à son peuple. L’Assyrie est « le bâton dans sa main » (Isaïe 10,5).

Cependant le prophète constate que l’Assyrie a aussi dépassé les bornes de la justice, car elle n’a pas agi avec restreinte. Elle a cherché à détruire au lieu de faire du butin (10,6), à exterminer au lieu de fouler au pied (10,6.7). La punition n’a pas été juste, elle n’a pas cherché à corriger ou à redresser. Elle n’a pas été salutaire, mais destructrice… Elle ne s’est pas comportée en justicier de Dieu, mais en pouvoir sanguinaire, qui ne reconnait même pas la puissance de Dieu, puisqu’elle porte la main sur le Temple saint (10,11). Au contraire, l’Assyrie aussi prétend se passer de Dieu.

Je remarque que ce que Dieu reproche à l’Assyrie, ce n’est pas de ne pas le connaître. Dieu sait bien que l’Assyrie ne le connait pas. Ce qu’il lui reproche, c’est son manque de justice et d’équité, c’est son arrogance à détruire les autres peuples, c’est son pouvoir sanguinaire.

L’Assyrie aussi subira une punition à la hauteur de son arrogance et de sa cruauté, voilà ce que le prophète annonce aujourd’hui. Quelles leçons en tirer ? J’en vois plusieurs.

  1. D’abord, oui, tout, finalement est bien sous le contrôle de Dieu. Même les épreuves et le malheur.
  2. Ensuite, la justice de Dieu est toujours salvifique, jamais destructrice. Il permet l’épreuve, voire l’échec, pour mieux purifier et sauver.
  3. Enfin, je suis invité à imiter la justice de Dieu, c’est-à-dire à ne jamais laisser ma colère détruire qui que ce soit et à ne jamais être injuste, même en réponse à une injustice ou un mal.

Seigneur Jésus, aide-moi à reconnaitre en tout ce qui m’arrive la main salvifique et purifiante de ton Père. Apprends-moi à ne jamais utiliser la force pour détruire, à ne jamais vouloir infliger de peine cruelle et démesurée, surtout dans mes devoirs d’éducateur des enfants ou des jeunes que tu m’as confiés.

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane