PREMIERE LECTURE

SAMEDI, QUINZIEME SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE – 2

« Malheur à ceux qui préparent leur mauvais coup et, du fond de leur lit, élaborent le mal… C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur : ‘Moi, je prépare contre cette engeance un malheur où ils enfonceront jusqu’au cou »

Michée 2,1-5.

Le prophète Michée (un autre personne que celui dont parle 1 Rois 22,5-28 et 2 Chroniques 18,6-27) a vécu et prophétisé à la même période que le prophète Isaïe. C’est pour cela que nous lisons aujourd’hui un de ses oracles, après avoir lu ceux d’Isaïe toute la semaine depuis samedi dernier.

Isaïe était de Jérusalem, la capitale. Michée était d’une petite ville de province, Morèsheth-Gat (cf. Michée 1,1). Il suffit de demander à M. Google et vous trouverez facilement la localisation de cette cité sur une carte de la Palestine. Elle se situe à environ 40 kilomètres au sud-ouest de Jérusalem.

Quand Sennakérib, le roi assyrien a envahi la Judée, il a conquis la plupart des villes de provinces (cf. 2 Rois 18,13-16). Ce n’est qu’à Jérusalem qu’il n’a pas pu entrer, mais le roi a dû payer un tribut très lourd (cf. Isaïe 10,5-16, médité mardi dernier). Par contre, tout le reste du territoire est tombé sous sa férule, y compris la cité du prophète Michée. Le prophète avait prédit ce malheur « où ils s’enfonceront jusqu’au cou » (Michée 2,3). Beaucoup de ses oracles prédisent en effet la catastrophe, dans des termes plus violents qu’Isaïe. On le comprend.

Ce qui importe bien sûr, c’est de savoir comment le prophète analyse ces événement terribles, qui ont fait de lui un « prophète de malheur » (Jérémie 26,18). Ses oracles sont clairs : l’injustice flagrante de la société des riches, alliée à des cultes sans profondeur et sans honnêteté. Dans l’oracle que nous méditons aujourd’hui prédomine la dénonciation de l’injustice : « ceux qui préparent leurs mauvais coups » (2,1) ; qui « convoitent les champs et s’en emparent, des maisons, ils les prennent, saisissent le maître et la maison, l’homme et son héritage » (2,2).

On pourrait croire que Michée se dresse contre des brigands, des malfaiteurs, mais en réalité, c’est contre une injustice d’état que le prophète fulmine, l’iniquité est au sommet : « Ses chefs jugent pour un cadeau, ses prêtres enseignent pour un salaire, ses prophètes pratiquent la divination pour de l’argent… » (3,11-12). Toute la société est minée par la corruption et une division sociale inacceptable aux yeux de Dieu. Voilà qui appelle le malheur !

Nous retrouvons là une constante de la mission des prophètes de la période des rois d’Israël et de Juda. Ce ne sont pas des leçons utiles seulement pour le passé. Nous vivons, aujourd’hui, dans un monde où la distance entre ceux qui possèdent et ceux qui n’ont rien est plus forte que jamais. Pour ne parler que des écarts de salaires, ils vont de 1 à plus de 400. Je voudrais dire, avec la force de Michée : le monde de ceux qui ont des biens, maisons, champs, travail et loisirs ne sera sécurisé que lorsque le monde de ceux qui n’ont rien, ni maison, ni champs, ni travail ni loisir, le sera ! Notre sécurité dépend de celle des plus miséreux. Les guerres, le terrorisme les migrations de masse et autres catastrophes nous le rappelleront.

Ne rien dire, croire que nous n’y pouvons rien est étranger à la réflexion biblique et christique, je veux dire la réflexion de Jésus et de l’Evangile. Tel est aujourd’hui pour moi le message de Michée. Changeons notre vie et apprenons à partager les biens de cette terre de façon plus équitable.

Seigneur Jésus tu n’aimes pas que tes enfants fassent souffrir leurs frères et sœurs par leur égoïsme, leur appat du gain, leur corruption et leur luxure. Apprends-moi à refuser toute complicité avec ce monde de corruption et d’injustice. Montre moi le chemin de la justice et du droit, du partage et de la fraternité. Que ce que j’ai reçu de toi, je ne refuse plus de le partager davantage.

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane