Le juste doit être humain

PREMIERE LECTURE

SEIZIEME DIMANCHE DU TEMPS DE L’EGLISE – A

 

« Tu as enseigné à ton peuple que

le juste doit être humain ; à tes fils

tu as donné une belle espérance :

 après la faute tu accordes la conversion »

Sagesse 12,13.16-19.

Avec le livre de la Sagesse, nous méditons sur un livre de l’Ancien Testament qui a une double particularité. D’abord il est le plus récent de tous. Il a été écrit sans doute entre 50 et 30 ans juste avant Jésus-Christ. Nous sommes, si j’ose dire, au bord du Nouveau Testament. Et le message que nous recevons aujourd’hui, comme une préface à la parabole si importante de l’Ivraie (Matthieu 13,24-43) éclaire déjà admirablement l’image de Dieu que Jésus nous révèle.

D’autre part, ce livre n’a jamais été écrit en hébreu (la langue de presque tout l’Ancien Testament) mais en grec, dans une langue et une culture marquées par le monde grec qui avait envahi presque le monde entier avec Alexandre le Grand, en 333 avant J.C. Ce livre est marqué par la culture et la philosophie grecque. Parce qu’il n’existe qu’en grec, les Juifs ne le reconnaissent pas, ainsi que toutes les Églises et communautés ecclésiales issues de la réforme protestante de Luther. Si votre Bible ne comprend pas le livre de la Sagesse, c’est qu’elle vous a été donnée par un protestant ou un évangélique.

Le chapitre 12 fait partie de la section du livre qui médite sur l’histoire de l’Exode. Cette section va de 11,4 jusqu’à 19,22. Méditer sur le passé est toujours très important : « Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens » dit le proverbe. La sagesse consiste à ne pas renier son passé, mais à en tirer les leçons, car « Le passé est la lampe qui éclaire l’avenir »

Regardant donc le passé de son peuple, le Sage fait la louange de la modération de Dieu envers les Égyptiens (cf. 11,15-20), envers les Cananéens (12,3-11) et envers les Israélites, son peuple (12,19-24). En même temps, le Sage médite sur les raisons de cette modération, et c’est l’amour (11,24-26) et la justice (12,11-18), le texte que nous recevons aujourd’hui.

La justice de Dieu est souveraine, mais elle est salvifique. Le Sage s’étonne – mais quelle leçon ! – que Dieu n’utilise pas sa force pour imposer sa loi « Ta domination sur toute chose te permet d’épargner toute chose » (12,16). Bien plus, « Toi qui disposes de la force, tu juges avec indulgence, tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement » (12,18). Ainsi la grande force de Dieu, qui pourrait tout détruire, c’est sa modération !

Dieu juge bien car il connaît tout. Notre cœur n’a pas de secret pour Lui.

Il arrive qu’on me dise : « Si Dieu existait, le mal n’existerait pas » A quoi je réponds, « Aimeriez-vous que Dieu vous empêche de faire ce qui vous plaît, comme si vous aviez cinq ans d’âge ? » La réponse est évidemment non. Dieu nous a créés libres. Il est patient, il n’a aucune volonté de brimer notre volonté. Et comme il sait bien que nous en abusons, de cette liberté, il prépare un jugement de justice, pour nous sauver et non nous condamner.

« Le juste doit être humain » (12,19) Quelle belle formule ! Déjà, le dialogue entre Abraham et Dieu à propos de Sodome nous enseigne qu’en effet, la justice de Dieu est au service du salut. Pour 10 justes le Seigneur promet de ne pas détruire la ville, et lorsqu’il s’y résout, il a pris soit que les quelques justes qui s’y trouvent puissent s’enfuir pour ne pas être détruits (cf. Genèse 18 – 19).

Seigneur Jésus, la patience de ton Père n’a d’égal que la puissance de son amour. Tu ne cherches certes pas à couvrir le mal. Tu ne nous encourages jamais à le commettre. Mais ton désir de salut et si fort que tu nous invites à chercher toujours le salut et la conversion de l’autre, et non sa condamnation. Que mon œil soit aussi pur et droit que le tien. Toi seul peux le purifier et le rendre compatissant.

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane