Voici comment je ferai pourrir l’immense orgueil de Juda

PREMIERE LECTURE

LUNDI, DIX-SEPTIEME SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE – 2

 

« Je suis allé jusqu’à l’Euphrate, j’ai cherché, et j’ai retiré la ceinture de l’endroit où je l’avais cachée. Et voilà qu’elle était pourrie, hors d’usage !
Alors la parole du Seigneur me fut adressée : ‘Voilà comment je ferai pourrir l’orgueil de Juda et l’immense orgueil de Jérusalem’.
»

Jérémie 13,1-11.

Les grands prophètes de l’Ancien Testament ne parlaient pas seulement avec des mots. Toute leur vie était message et parfois Dieu leur demandait d’accomplir des gestes symboliques. Car les gestes, souvent, parlent plus fort que les paroles. On verra un autre signe jeudi prochain (Jérémie 18,1-12 ; cf. Jérémie 19,1-15). De même lorsque Dieu lui demande de se mettre des liens et des jougs autour du cou (cf. Jérémie 27,1-11) C’est un tel geste que nous méditons aujourd’hui. Un geste simple et fort : une ceinture placée près du fleuve sur l’ordre de Dieu pourrit, et le Seigneur annonce alors qu’il va faire pourrir l’orgueil de Juda et l’immense orgueil de Jérusalem. Certes, Dieu n’a jamais désiré détruire son peuple, mais le purifier par l’épreuve.

Isaïe était lui aussi familier des gestes prophétiques, et de même Ézéchiel. De tels « gestes prophétiques » ont été accomplis par Jésus : la purification du Temple de Jérusalem (Jean 2,13-22), les guérisons le jour du sabbat (Luc 13,10-17, l’entrée messianique à Jérusalem sur une ânesse (Matthieu 21, 1-11), le lavement des pieds (Jean 13,1-20).

Le pape François lui aussi, et beaucoup d’autres, continuent aujourd’hui de poser ces gestes qui doivent nous faire réfléchir : le refus d’habiter seul dans le palais du Vatican ; sa visite sur l’île de Lesbos et son retour à Rome avec trois familles de réfugiés le 15 avril 2016 ; son arrêt devant le « mur » entre Israël et les Palestiniens pendant sa visite en Israël ; l’invitation à la prière du Juif et de l’Arabe, après son retour de Jérusalem. Savons-nous lire ces gestes et changer notre manière de vivre pour la rendre plus évangélique ?

Jérémie pose donc un geste prophétique. Il annonce, par cette action, combien Dieu est fatigué de son peuple, au point de le comparer à une ceinture pourrie. Mais le Seigneur a-t-il décidé vraiment de détruire son peuple ? On pourrait le croire, mais alors, pourquoi l’avertir ? Pourquoi imposer à son prophète Jérémie une mission aussi difficile ? N’est-ce pas pour, jusqu’au bout, solliciter la conversion ? Il suffit de relire le livre de Jonas et la conversion des Ninivites pour comprendre que ce qui importe à Dieu, c’est notre conversion… avant qu’il ne soit trop tard et que nos actions mauvaises ne nous conduisent à des catastrophes.

Est-ce que le coronavirus n’est pas, lui aussi, un événement symbolique ? Avons-nous remarqué combien l’air était plus pur à Tokyo, à Paris, Londres et sans doute Cayenne pendant le confinement ? Avons-nous fait la somme de la solidarité nouvelle vécue envers les plus pauvres, les gens des squats, de l’intérieur… Avons-nous remarqué l’extraordinaire dévouement du personnel hospitalier, toute professions confondues ? Avons-remarqué combien la méditation de la Parole a pris une place beaucoup plus importante dans nos vies ?

Que de gestes prophétiques, que d’invitations à imiter les gens de Ninive : « Nous ne gouterons rien, ne mangerons ni ne boirons pas ; hommes et bêtes, on se couvrira de toile à sac, on criera ver Dieu de toutes nos forces, chacun se détournera de sa conduite mauvaise et de ses actes de violence. Qui sait si Dieu ne se ravisera pas et ne se repentira pas, s’il ne reviendra pas de l’ardeur de sa colère ? Et alors, nous ne périrons pas ! » (Jonas 3,7-9).

Seigneur, les temps que nous vivons nous demandent de retourner à la simplicité de l’Evangile, de dire non à la dictature de l’argent et des plaisirs dans notre vie, de nous laisser vraiment conduire et sanctifier par ton Esprit Saint…. Savons-nous écouter les appels que tu nous adresses par les prophètes d’aujourd’hui ?

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane