PREMIERE LECTURE 

MERCREDI, DIX-SEPTIEME SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE – 2

 

« Quand je rencontrais tes paroles, Seigneur, je les dévorais ; elles faisaient ma joie, les délices de mon cœur… Jamais je ne me suis assis dans le cercle des moqueurs pour m’y divertir ; sous le poids de ta main, je me suis assis à l’écart, parce que tu m’as rempli d’indignation. »

Jérémie 15,10.16-21.

Jérémie est le seul prophète dont nous connaissions si bien les sentiments intérieurs, car il les livre à plusieurs reprises dans son livre. Il en existe au moins quatre, qui sont facilement reconnaissables : 11,18 – 12,6 ; 15,10-21, notre texte d’aujourd’hui ; 17,14-18 ; 18,18-23 et enfin 20,7-13.14-18. On les appelle « Les confessions de Jérémie » Ce sont en effet, le plus souvent, des plaintes, car le prophète est tiraillé entre sa tendresse naturelle et la rudesse du message que Dieu lui demande de délivrer au peuple. C’est d’ailleurs de là que vient l’expression française « jérémiade », « plainte, lamentation persistante qui importune », nous explique le diciononaire.

Nous avons vu hier que Dieu pleurait devant la misère de ce peuple infidèle. Nous verrons qu’il demande à son prophète d’annoncer une catastrophe sous la forme d’une invasion par les Babyloniens Cf. Jérémie 1,14-15 ; 20,4-6. Jérémie doit avertir que Dieu a choisi Babylone pour châtier son peuple : « Oui, je tournerai mon visage contre cette ville [Jérusalem] pour son malheur et non pour son bonheur – Oracle du SEIGNEUR. Elle sera livrée aux mains du roi de Babylone qui l’incendiera » (Jérémie 21,10. De telles annonces, terrifiantes, ne pouvaient que provoquer le rejet de Jérémie par le peuple, et surtout par les responsables, les prêtres et le roi.

Jérémie sait que Dieu a raison : « Quand je rencontrais tes paroles, Seigneur, je les dévorais ; elles faisaient ma joie… » (Jérémie 15,16). Mais elles le mettent en porte à faux et tout le monde se détourne de lui, jusqu’à menacer sa vie. Il se sent abandonné de Dieu aussi : « Serais-tu pour moi un mirage ? Comme une eau incertaine ? » (15,18). Mais Dieu le reprend sans ménagement, rejetant la tentation du découragement : « Si tu reviens, si je te fais revenir, tu reprendras ton service devant moi. Si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est méprisable, tu seras comme ma propre bouche » (15,19). Le Seigneur a besoin d’un prophète solide mais il est prêt à le fortifier : « Je fais de toi pour ce peuple un rempart de bronze infranchissable » (15,20).

La vie de Jérémie est très proche de celle du Christ, et elle est proche aussi des disciples du Christ. Son exemple nous invite à être des amoureux de l’humanité, même si nous sommes tiraillés, lorsque nous mettons à nu les injustices et les conséquences du rejet de la loi divine. Alors, le chemin de croix se profile à l’horizon de notre vie. Il n’est jamais facile. Dieu ne nous en veut pas, de nos jérémiades. Il se plaindrait plutôt de notre tiédeur et de notre difficulté à tenir la vérité dans la charité

Seigneur Jésus, je te rends grâce de me faire goûter la douceur de ta parole et, parfois, l’amertume qu’elle produit dans mes entrailles. Donne-moi le courage de Jérémie pour crier vers toi mes craintes et ma souffrance, sans jamais pour autant abandonner le témoignage de vérité devant le monde des ténèbres.

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane