Je traiterai cette Maison comme j’ai traité Silo

PREMIERE LECTURE

VENDREDI, DIX-SEPTIEME SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE – 2

 

« Si vous n’écoutez pas les paroles de mes serviteurs les prophètes… je traiterai cette maison comme celle de Silo, et je ferai de cette ville un exemple de malédiction pour toutes les nations de la terre »

Jérémie 26,1-9.

L’oracle de Jérémie contre le Temple de Jérusalem est raconté deux fois dans son livre, cf. Jérémie 7,1-15 et 26,1-24. C’est la preuve que cet oracle a été d’une grande importance pour Jérémie et pour le peuple de Jérusalem. Dieu est tellement fatigué par la désobéissance de son peuple, qu’il ne supporte même plus leur prière et qu’il est prêt à détruire le Temple. Il rappelle que déjà, des siècles auparavant, à l’époque de Samuel, le Temple de l’époque qui se trouvait à Silo avait été détruit par les Philistins, et qu’ils avaient emmené l’Arche d’alliance avec eux (cf. 1 Samuel 4,1-22).

Les récriminations de Dieu sont mieux développées au chapitre 7 : « Si vraiment vous maintenez le droit entre un homme et son prochain, si vous n’opprimez pas l’immigré, l’orphelin et la veuve, si vous ne versez pas en ce lieu le sang de l’innocent, si vous ne suivez pas pour votre malheur d’autres dieux… » (7,5-6). Nous retrouvons deux thèmes – l’injustice et l’idolâtrie – constamment dénoncés dans les oracles prophétiques d’Elie (cf. 1 Rois 18,20-40 ; 21,1-29) d’Amos (4,1-5), d’Isaïe (1,10-20), pour ne donner que quelques exemples.

Sans justice envers les pauvres, sans rejet des prières idolâtres et des rites clandestins de gados, pas de Culte qui puisse plaire à Dieu. Il faut choisir !

Or les gens de Jérusalem, précisément, ne veulent pas choisir. Ils soutiennent l’iniquité, ils adorent des idoles, puis ils viennent dans le Temple et chantent « Temple du Seigneur ! Temple du Seigneur ! C’est ici le Temple du Seigneur ! » (Jérémie 7,4), comme si, magiquement, le Temple allait protéger la ville et les habitants quoi qu’ils fassent : « Quoi ! Vous pouvez voler, tuer, commettre l’adultère, faire de faux serments, brûler de l’encens pour le dieu Baal, suivre d’autre dieux que vous ne connaissez pas ; et ensuite, dans cette Maison sur laquelle mon nom est invoqué, vous pouvez vous présenter en disant : ‘Nous sommes sauvés’ et vous faites toutes ces abominations ! Est-elle à vos yeux une caverne de bandits, cette Maison sur laquelle mon nom est invoqué ? » (7,9-11).

On comprend qu’avec de telles paroles, Jérémie se trouve en butte avec le peuple, les prêtres et le peuple. Il n’a pas le choix, c’est cela que le Seigneur lui a demandé d’annoncer. Il s’agit d’un avertissement, qui laisse la place à une conversion du peuple : s’il écoute la parole de Jérémie et s’il obéit à Dieu, le Temple sera épargné : « Peut-être écouteront-ils, et reviendront-ils chacun de son mauvais chemin ? Alors je renoncerai au mal que je projette de leur faire à cause de la malice de leurs actes » (Jérémie 26,3).

L’oracle se révèlera véridique : quelques années plus tard, en 597 puis en 587, les Babyloniens viendront envahir le pays, prendront la ville de Jérusalem et détruiront le Temple. L’élite du peuple sera emmenée en exil à Babylone.

Six cents ans plus tard, Jésus prononcera un oracle semblable contre le second Temple, reconstruit après l’Exil et très largement rénové, agrandi et embelli par le roi Hérode (cf. Marc 11,15-19 ; Jean 2,13-22 ; Luc 21,5-6). Sa prophétie s’accomplira quelques 40 ans après sa mort, en 70 après Jésus-Christ, lorsque les Romains écraseront la révolte des Juifs. Cette histoire à répétition nous rappelle que le culte que nous rendons à Dieu n’a de sens que dans la mesure où nous obéissons à ses lois et respectons la justice et le droit. Inutile de croire que la prière nous dispense de l’obéissance.

Sommes-nous si sûrs de ne plus avoir d’idoles ? de pratiques fétichistes, de bains bizarres ? Sommes-nous certains de pratiquer le droit et la justice équitable envers tous, et d’abord envers les plus petits, les orphelins, les veuves et les étrangers ?

Seigneur Jésus, tu avais annoncé à la Samaritaine que le temps venait où l’on adorerait le Seigneur ni sur la montagne du Garizim ni à Jérusalem, mais en esprit et en vérité. Aide-moi à faire la vérité dans ma vie, à marcher selon la justice et le droit, à rejeter toute pratique idolâtre ou nocturne, à chercher en toute chose la volonté de ton Père, et alors je pourrai me présenter dans ton Temple et chanter tes louanges.

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane