PREMIERE LECTURE

SAMEDI, DIX-HUITIEME SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE – 2 

 

« Je vais me tenir à mon poste de garde, rester debout sur mon rempart, guetter ce que Dieu me dira, et comment il répliquera à mes plaintes. Alors le Seigneur me répondit : Tu vas mettre par écrit la vision, clairement, sur des tablettes, pour qu’on puisse la lire couramment »

Habacuc 1,12 – 2,4.

Hier Nahum, aujourd’hui nous recevons les écrits d’un autre prophète dont nous n’avons que quelques oracles – trois petits chapitres. Nous sommes de nouveau à l’époque de Jérémie, vers 605 avant J.C. Habacuc est son contemporain. Il est terrifié par l’irruption des Babyloniens (il les appelle « Chaldéens » Habacuc 1,6.12.15) sur la scène internationale. Ils comblent le vide laissé par la ruine de l’Assyrie, après la ruine de Ninive sa capitale, en 612 avant J.C. On pressent la terreur que provoque ces effroyables envahisseurs.

Ce prophète est différent. Il n’annonce rien. Il prend appui sur les prophéties de Jérémie (Jérémie 27,6-11) et s’interroge sur l’action de Dieu. Il n’hésite pas à dire qu’il ne comprend pas. Il ne comprend pas que Dieu ait choisi les Chaldéens sanguinaires impies pour châtier son propre peuple, dont beaucoup sont justes (cf. Habacuc 1,12). Pourquoi Dieu prend des gens méchants pour châtier des plus justes qu’eux , alors qu’il ne peut pas supporter « la vue de l’oppression » (cf. Habacuc 1,13) ? Habacuc ne comprend pas, enfin, que Dieu intervienne si peu contre le mal.

Les questions d’Habacuc sont encore d’actualité aujourd’hui ! Pourquoi Dieu semble-t-il si silencieux face aux souffrances de tant de monde ? Oui, nous avons péché en laissant se développer une société à deux vitesses, avec un immense cohorte de pauvres, et en exploitant inconsidérément la création. Oui, nous commençons à comprendre que les incendies, les canicules, les inondations de plus en plus fortes, et même les nouveaux virus sont en partie la conséquence de nos fautes. Mais pourquoi faut-il que les pauvres, ceux qui ont le moins exploité et volé, soient ceux qui subissent davantage les effets dévastateurs de toutes ces plaies ?

Ces questions sont dans la Bible, ce qui manifeste, à mes yeux, que Dieu les comprend ! Il sait que la réponse n’est pas facile, qu’elle n’est pas acceptable tout de suite par tous. Il a la patience d’attendre et de rester ouvert à ces enfants et à leurs angoisses. Il nous invite à réfléchir au POURQUOI. Et si nous pouvions comprendre que si Dieu agissait à chaque erreur, à chaque péché, il n’y aurait peut-être plus aucune liberté de manœuvre pour nous ?

N’hésite donc pas à poser à Dieu tes questions, à lui dire tes angoisses, tes inquiétudes et des interrogations. Tel un Père, il sait écouter. Il ne perd pas un mot de tes paroles et de tes pensées. S’il ne répond pas tout de suite, ne t’inquiète pas. Rappelle-toi simplement cette invitation adressée à Habacuc et à toi : « Le juste vivra par sa fidélité » (Habacuc 2,4).

Sur quel fondement pouvons-nous établir notre fidélité ? Sur ce que nous connaissons de Dieu et qu’il nous faut contempler sans cesse : « Seigneur, n’es-tu mon Dieu, mon Saint, toi qui es immortel ? (1,12) ; « Tes yeux sont trop purs pour voir le mal » (1,13) ; « Seigneur, j’ai entendu parler de toi ; devant ton œuvre, Seigneur, j’ai craint ! Dans le cours des années fais-la revivre, dans le cours des années, fais-la connaître » (3,2) ; « Le Seigneur mon Dieu est ma force » (3,19).

Seigneur Jésus, tu connais nos questions et notre désarroi devant les souffrances de ce monde, toutes des guerres et cette cruauté d’êtres humains contre d’autres êtres humains… Et tu nous invites, tout simplement, à la FIDELITE ! Garde nous dans cette fidélité confiante, enfantine, à la présence de ton Père et à l’obéissance à sa Loi de vie.

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane