La Gloire du Seigneur quitta Le Temple…

PREMIERE LECTURE

MERCREDI, DIX-NEUVIEME SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE – 2

 

« Le Seigneur ajouta : ‘Profanez le Temple, emplissez de cadavres le parvis, puis sortez !’ Ils sortirent donc et frappèrent à travers la ville.
La gloire du Seigneur quitta le seuil du Temple et s’arrêta au-dessus des Kéroubim.
 »

Ézéchiel 9,1-7 ET 10,18-22.

Peu d’oracles prophétiques sont aussi terrifiants que celui que nous méditons aujourd’hui. Nous sommes peu avant 587 avant Jésus Christ. Ézéchiel est en exil, au bord des fleuves de Babylone, et il annonce l’assaut final des Babyloniens contre le temple et la ville de Jérusalem. On dirait que Dieu lui-même est à la manœuvre contre son peuple et dirige l’extermination des impies. En même temps, si sa Gloire quitte le Temple, c’est pour venir à Babylone, vivre au milieu des exilés ! Plus tard, le prophète annoncera le retour et la reconstruction.

La destruction du temple et l’extermination des habitants de Jérusalem sont des choses terrifiantes. D’autant plus que Dieu semble ordonner ce massacre ! On devine, derrière toutes ces expressions et ces ordres la fureur de Dieu devant l’obstination de son peuple. Qu’est-ce qu’il n’a pas fait pour eux ? Et tout le bénéfice qu’il en a retiré, c’est l’infidélité, et, pire encore, l’idolâtrie qui rend les hommes aussi bas que les animaux qu’ils adorent !

Ces abominations sont décrites à de nombreuses reprises, dans le livre du prophète, et elle forment le début de la grande vision dont nous méditons aujourd’hui quelques lignes : « J’entrais [dans le temple, dit le prophète] et je regardai ; il y avait toutes sortes de reptiles et de bêtes – un horreur – et toutes les idoles de la maison d’Israël dessinées tout autour sur le mur… » (Ézéchiel 8,10).

Vient alors l’ordre donné : Passez derrière lui à travers la ville et frappez. N’ayez pas un regard de pitié, n’épargnez personne… (9,5). Aujourd’hui, nous ne dirions pas les choses de la même manière qu’Ézéchiel ! Nous ne pouvons pas laisser croire que Dieu commande le meurtre et l’extermination. Ceux qui ont écrit ces mots – Parole du Seigneur – n’avaient pas encore reçu la plénitude de la Révélation que le Christ allait apporter au monde.

Mais, dans la foi, nous savons bien que Dieu est en contrôle de nos vies, qu’il n’empêche pas les malheurs – souvent les conséquences de nos infidélités – Et que rien ne lui échappe de ce qui se passe, même ce qu’il ne veut pas ! Nous sommes ici au cœur du mystère de la toute-puissance de Dieu – sans qui rien n’existe – et de la liberté humaine que Dieu respecte absolument. Et en même temps nous croyons que « quand les hommes aiment Dieu, Lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon son amour » (Romains 8,28). Tout, c’est-à-dire aussi le mal, la souffrance, les épreuves et la mort…

Message paradoxal donc : Dieu ordonne le châtiment mais n’abandonne pas les siens. Il faut comprendre deux choses : d’abord qu’il est en contrôle de tout, et même des épreuves, des échecs et des désastres. Ensuite qu’en toutes circonstances son projet est salvifique : il extirpe le mal, mais c’est pour purifier et pour sauver.

Dans la deuxième partie de notre lecture, le prophète voit « en vision » la « Gloire de Dieu » quitter le temple pour s’en aller vers l’est (10,18 – 11,1). Cette « Gloire de Dieu » (qui n’est autre que Dieu lui-même), Ézéchiel l’avait déjà vu sur le fleuve Kébar, à Babylone. La description de ce Char et de cette Gloire sont digne de Picasso ou de Salvator Dali. Il serait trop long pour moi d’entrer dans les détails, dont certains sont d’ailleurs incompréhensibles. Ce que je crois c’est que cet ensemble surréaliste place toutes les idoles des nations païennes sous le strict contrôle et le service du Dieu vivant. Détrônées de leur statut d’idoles – de représentation de dieu, elles se mettent au service du Dieu de l’univers. Belle récupération, par le prophète, de l’imagerie assyrienne et babylonienne : Dieu seul est Dieu.

Plus étonnant encore, Dieu vient de faire détruire son temple, mais il s’en va rejoindre son peuple en Exil. Dieu n’est pas fixé à un lieu, il est au milieu de son peuple, pour en partager les épreuves et l’espérance. L’histoire n’est pas finie, la catastrophe n’est pas la fin de tout. Quelle belle vision pour nous aujourd’hui, tandis que nous nous débattons dans des situations totalement nouvelles, inédites, que nous ne maitrisons pas du tout, ni nous ni nos responsables, mais nous ne sommes pas seul, il est avec nous partout et en toutes circonstances, l’Emmanuel, « Dieu-avec-nous » !

Le prophète agit sous l’inspiration de l’Esprit de Dieu. Il entre dans l’arène politique et analyse les événements avec le regard même de Dieu. N’est pas prophète qui veut, et le prophète ne fait pas ce qu’il veut mais ce que le Seigneur lui commande. Il a dans une main la Parole et dans l’autre le journal. Il interprète pour nous ce qui se passe, et c’est toujours dans le but d’éclairer le chemin, même au plus fort des épreuves, vers la confiance en ce Dieu qui est au milieu de nous pour nous sauver et nous donner la vie en abondance.

Seigneur Jésus, tu es au milieu de nous, tu vis au milieu de ton Eglise, et tu nous conduis à la manière d’un berger, derrière le troupeau pour nous protéger dans les épreuves comme dans les moments de joie. Tu n’es pas un Dieu qui détruit, mais tu es, au milieu de nos ruines, celui qui prépare le salut. Sois avec nous et sauve nous.

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane