Peut-être verront-ils qu’ils sont une engeance de rebelles

PREMIERE LECTURE

JEUDI, DIX-NEUVIEME SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE – 2  

« Je fis ce qui m’avait été ordonné :

en plein jour, je sortis mon sac, comme

un sac de déporté, et le soir, je fis

un trou dans le mur, à la main »

Ézéchiel 12,1-12.

Les prophètes ne faisaient pas que parler. Ils opéraient des « gestes prophétiques », c’est-à-dire des actions qui mimaient, en quelque sorte, leur message. Ainsi, Isaïe s’était-il promené tout nu dans Jérusalem pour annoncer une défaite (cf. Is 20,1-6). Ainsi Jérémie s’était-il promené avec un joug de bœuf autour du cou pour avertir les ambassadeurs que leur stratégie les emmènerait en captivité (cf. Jr 27,1-20). Aujourd’hui, Ézéchiel reçoit de Dieu l’ordre de quitter sa demeure en vitesse, sans même passer par la porte mais à travers un trou dans le mur, pour annoncer la prochaine déportation à Babylone.

En réalité, Ézéchiel est déjà à Babylone lorsqu’il accomplit ce geste prophétique. Il y est depuis 597 et il annonce la deuxième et finale déportation et dans des termes voilés l’horrible châtiment que le roi Sédécias va subir (cf. 2 Rois 25,1-7. Cette deuxième déportation se déroulera en 587, après l’incendie du temple et la destruction des murs de Jérusalem. C’est dire que les deux prophètes, l’un à Babylone (Ézéchiel) et l’autre à Jérusalem (Jérémine) n’ont qu’une parole : c’est la Parole de Dieu, parfois de réconfort, parfois d’avertissement.

Jésus fera lui aussi quelques gestes prophétiques, comme l’entrée triomphale à Jérusalem (Marc 11,1-11) et la purification du temple de Jérusalem (cf. Marc 11,15-19). De tels gestes, on s’en doute, ont un impact beaucoup plus fort que les simples paroles.

Le pape François nous habitue de nouveau à ces «gestes prophétiques » plus forts que les paroles : aller laver les pieds de jeunes prisonniers, au lieu de faire le lavement des pieds dans sa cathédrale, habiter à la Maison Sainte Marthe au lieu de vivre dans son appartement du palais, faire sa première sortie dans l’île de Lampedusa à la rencontres des immigrants et interpeller de là l’Europe : Qu’as-tu fait de ton frère ?… ou encore partir en Terre Sainte accompagné d’un rabbin et d’un ami musulman… Le temps des prophètes n’est pas passé.

La Parole de Dieu, aujourd’hui, à travers la crise du coronavirus, est une parole d’avertissement. Le pape ne cesse de nous le dire, je le dis à temps et à contretemps. Sa Parole est un appel à la conversion, sinon d’autres malheurs surgiront de notre incapacité à vivre en frère, à nous soucier des pauvres et à protéger la création…

  • Se convertir à l’accueil vrai et au partage : le pape au milieu des immigrés
  • Se convertir au dialogue avec tous, comme seule manière d’évangéliser : le pape à Jérusalem avec un Juif et un Musulman
  • Vouloir vraiment changer notre vie pour « protéger la maison commune » le pape dans l’encyclique Laudato Si’, avec une voiture simple, en chaussures simples, sans changer sa croix pectorale, avec des vêtements liturgiques plus simple, et sans changer de mitre chaque semaine… le pape pauvre avec les pauvres, pour autant qu’il le peut malgré le protocole.

Et toi, sais-tu quelle conversion le Seigneur attend de toi ?

Malheur à celui qui répond à la description que Dieu fait au prophète, avant le geste prophétique : « Tu habites au milieu d’une engeance de rebelles ; ils ont des yeux pour voir et ne voient pas, des oreilles pour entendre, et n’entendent pas, car c’est une engeance de rebelles. Toi, fils d’homme, prépare-toi un sac d’exilé… » Ézéchiel 12, 2-3)

Seigneur, nous avons besoin, aujourd’hui, de nous réveiller de notre torpeur pour vivre TOTALEMENT le message de l’Evangile face à un monde où la folie de la guerre, de l’injustice, de la pauvreté, de la destruction de tant de ressources fait courir à l’humanité des risques énormes… Oui, nous avons besoin de prophètes qui nous réveillent et nous invitent à nous convertir totalement à ton Évangile. Que la Prière d’Ézéchiel, de Jérémie, d’Isaïe et de tous les prophètes soutienne les prophètes d’aujourd’hui et nous ouvre les yeux.

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane