Dis à la maison d’Israël: Je vais profaner votre sanctuaire

PREMIERE LECTURE

LUNDI DE LA VINGTIEME SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE – 2

« Fils d’homme, je vais te prendre subitement ta femme, la joie de tes yeux. Et tu ne feras pas de lamentation, tu ne gémiras pas, tu ne laisseras pas couler tes larmes. Pleure en silence, ne prends pas le deuil : enroule ton turban sur ta tête, chausse tes sandales… ne prends pas le repas funéraire »

Ezéchiel 24, 15-24.

L’Eglise nous invite aujourd’hui à méditer un deuxième « acte symbolique » d’Ezéchiel, dans la même ligne que celui que nous avons contemplé jeudi dernier. Les gestes parlent plus que les paroles. Encore faut-il bien les comprendre. Dans la vie d’un prophète, tout devient signe. Tout peut être mis en rapport avec la situation du peuple et la Parole de Dieu.

Ezéchiel était en exil à Babylone. Il a fait partie de la première déportation, qui eut lieu en 598 avant Jésus-Christ. Il comprend qu’une deuxième catastrophe se prépare, car la politique de son peuple et de ses chefs est proprement suicidaire, de nature à irriter profondément le roi de Babylone. À Jérusalem aussi cette politique est dénoncée au même moment par Jérémie, et là encore à travers le geste symbolique de porter un joug sur le cou (cf. Jérémie 27,1-15).

Dans ce contexte, le prophète perd subitement son épouse, qui meurt de façon inattendue et soudaine. Le Seigneur lui fait comprendre que cette disparition subite peut être vue comme un signe annonciateur de la destruction totale de Jérusalem et du temple, suivie d’une nouvelle déportation. Ézéchiel comprend que Dieu lui demande de faire de cette mort une annonce prophétique

Du coup, il doit renoncer à faire le deuil, d’en emprunter les voies coutumière ; une fois de plus, Dieu l’invite à étonner les siens, dans l’espoir que cette provocation suscitera une réflexion. Et c’est ce qui arrive : devant ce refus de faire le deuil, les gens lui dirent : « Vas-tu nous expliquer ce que tu fais là ? Qu’est-ce que cela veut dire pour nous ? » (24,19). Alors Ézéchiel peut annoncer en oracle venant de Dieu le malheur qui approche. Ainsi, quand cela arrivera, « Vous saurez que je suis le Seigneur Dieu ! » (24,28).

L’expérience du prophète Ézéchiel rejoint celle d’autres prophètes : la vie de famille d’un prophète est souvent perturbée par sa mission. Osée a reçu directement de Dieu les noms de ses enfants : cf. Osée 1,6-8. Isaïe reçoit de Dieu l’ordre de donner à ses enfants des noms symbolique en rapport avec sa mission et l’infidélité du peuple : 7,3 ; 8,3. « Moi et les enfants que le Seigneur m’a donnés, nous sommes des signes et des présages pour Israël de la part du Seigneur de l’univers qui habite le mont Sion (8,17).

La famille participe à la mission. Vous comprenez pourquoi, lorsqu’il s’agit d’ordonner diacre permanent un homme marié, il convient de voir comment la famille vit cet engagement, si elle est prête à soutenir le mari et le père, car la famille ne pourra pas faire l’impasse sur l’impact du diaconat dans la famille.

Dans d’autres cas, le Seigneur impose le célibat : c’est le cas d’Elie et Élisée qui doivent quitter leur famille sans en fonder une autre. C’est aussi le cas de Jérémie. Il fut « grand solitaire que sa mission a contraint à rester à l’écart de la société (Jr 15,17), situation dont il a souffert. En outre, Jérémie n’aura ni femme ni enfant (cf. Jérémie 16,1-4). Il connut aussi la prison, fut brutalisé, et exilé en Égypte à Taphnis » (TOB).

Que l’on soit marié ou célibataire, la mission du Christ expose le disciple comme elle a exposé le Maître. Quand il appelle, il convient de tout quitter car « quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu » (Luc 9,62). Mais celui qui dit oui recevra au centuple (cf. Marc 10,17-31).

Seigneur Jésus, tout ce qui nous arrive n’est pas directement programmé par toi comme si nous étions des marionnettes dans tes mains ou dans les mains de ton Père. Cependant, dans tout ce qui nous arrive, tu nous appelle à lire comme un message, un avertissement parfois, un réconfort souvent, un appel à mieux vivre selon l’inspiration de ton Esprit, toujours. Apprends-nous, comme tu l’as fait à Ezéchiel, à écouter l’Esprit qui éclaire pour nous les « signes des temps » dont notre vie est remplie.

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane