Le langage de la croix est puissance de Dieu pour nous

PREMIERE LECTURE

VENDREDI, VINGT-ET-UNIEME SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE – 2

« Alors que les Juifs réclament des signes miraculeux,
et que les Grecs recherchent une sagesse, nous,

nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour

les Juifs, folie pour les nations païennes »

1ère lettre aux Corinthiens 1,17-25.

Il arrive que la Liturgie de la messe, pour éviter que les lectures soient trop longues, font des coupes dans les chapitres qui finissent par réduire la compréhension que nous pouvons en avoir. C’est bien le cas, ici. Il faudrait commencer la lecture au verset 10. En effet, après la prière initiale et la salutation bienveillante de Paul, l’écrivain entre dans le vif du sujet : les chrétiens de Corinthe sont divisés (voir, 1,10-16). Ils ont formé des factions autour de Paul, d’Apollos, de Pierre (Céphas) (cf. 1 Corinthiens 1,12-13).

Paul est sensible au fait que les Grecs aiment la philosophie, le combat des idées, la recherche des bons orateurs, de ceux que l’on a plaisir à écouter… Il se peut, parfois que l’apparence soit pour les gens plus i importante que le contenu. Il semble, que sur ce point, par exemple, Paul était certainement un moins bon orateur et débatteur qu’Apollos…

Voilà pourquoi, dans sa contestation des divisions qui naissent dans la communauté, Paul en appelle à la sagesse de Dieu manifestée dans la mort de Jésus sur la croix : « Christ ne m’a pas envoyé baptiser, mais annoncer l’Evangile » (1 Corinthiens 1,17). Bien noter la nuance donnée par Paul : annoncer la Bonne Nouvelle (l’Evangile) est notre tâche première.

Quel est donc ce langage de la croix (1,18) ? Ce n’est pas facile à discerner, mais sans doute dois-je y voir le langage qui dit que Jésus prend tout sur lui, alors que les fautes sont sur nous, que nous étions encore pécheurs (Romains 5,8.10). Il se donne au lieu de nous châtier, il prend sur lui le châtiment, pourrait-on dire : « un seul est mort pour tous » (2 Corinthiens 5,14). Il manifeste la puissance du don qui offre tout. Dans sa passion, Jésus nous a aimés jusqu’au bout (cf. Jean 13,1 Cela me rappelle le saint Evêque Paulin de Nole, qui était allé en Afrique prendre la place du fils d’une veuve devenu esclave des Maures. Cela me rappelle St Maximilien Kolbe, prenant la place d’un père de famille dans le puits de la faim mortelle

Aujourd’hui comme hier, l’Evangile du Messie crucifié demeure un paradoxe bien difficile à proclamer. J’avais une fois interrogé l’archevêque d’Ho-Chi-Min-Ville au Viêt-Nam, sur ce qui, dans la foi chrétienne, lui paraissait le plus difficile pour la culture vietnamienne. Il m’avait répondu : « la croix. Dans notre culture ancestrale, les représentations du bouddha le montrent toujours souriant, apaisé, bien en chair… voir un homme supplicié sur une croix, c’est très difficile pour nous. »

Sa réponse m’a beaucoup éclairé et je me suis demandé si nous, les chrétiens, nous ne sommes pas trop « habitués » à regarder le crucifix, au point d’en perdre un peu son caractère fou et scandaleux ! Paul nous le rappelle avec force. Mais en réalité, ce n’est pas seulement la croix qui fait scandale, c’est tout l’Evangile, avec son appel à l’amour, au renoncement à soi-même, au refus de l’accumulation des richesses, à l’exigence du pardon, à l’amour des ennemis…

Paul, dans cette lettre, nous rappelle qu’il ne faut pas s’étonner si le monde ne nous aime pas ! Que ce soit les uns ou les autres, ils ont tous des raisons de refuser l’enseignement du Christ, si radical dans sa pureté, sa sainteté, son appel à la perfection. Le plus grave, cependant, n’est pas que d’autres refusent l’Evangile. Le plus grave, c’est lorsque les Chrétiens ne mettent pas en application l’enseignement de Jésus ! Le pape François nous le rappelle souvent : « Chrétien, qu’as-tu fait de l’Evangile et de la demande de Jésus : « Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait… Soyez miséricordieux, comme votre Père du Ciel… » (Matthieu

Seigneur Jésus, mets en nous tout le courage avec lequel tu as accepté d’être mis au mort au lieu de transiger sur la sainteté de ton message et de ta vie. Fais que nous ne soyons pas effrayés devant ceux qui peuvent tuer notre corps, nous ridiculiser ou nous rejeter, mais que nous ayons peur de faire ce qui est mal à tes yeux.

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane