Un peu de levain suffit pour que fermente toute la pâte

PREMIERE LECTURE

LUNDI, 23ème SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE – 2

 

« Vraiment, vous n’avez pas de quoi être

 fiers : ne savez-vous pas qu’un peu de levain

suffit pour que fermente toute la pâte ?

Purifiez-vous donc des vieux ferments »

 1ère lettre aux Corinthiens 5,1-8.

Après avoir longuement traité la question des divisions au sein de la communauté chrétienne de Corinthe (1 Corinthiens 1,10 – 4,21), Paul en vient maintenant à des questions précises, qui lui ont été rapportées sans doute par les gens de Chloé (cf. 1 Corinthiens 1,11). Ces questions pratiques touchent la vie de la communauté. Comme toute institution humaine, elle traverse des crises à répétition. Le chapitre cinq commence par un cas d’inconduite notoire de la part d’un homme vivant avec la femme de son père (5,1). La réponse de Paul met en lumière les objectifs multiples qui doivent régir les décisions à prendre.

Il y a d’abord le salut du coupable. Il ne peut pas passer par l’acceptation du mal commis, mais par une sanction qui manifeste que le péché n’est pas acceptable. Il faut savoir dire que le péché est néfaste. Car la guérison ne peut jamais s’obtenir en niant la maladie. En l’espèce, celui qui a brisé la communion fraternelle par son comportement doit être écarté.

Mais « écarté » ne veut pas dire « supprimé ». L’exclusion concerne le corps (la chair), mais pas l’esprit. C’est ce dernier qu’il faut sauver. Pour cette raison, la sanction comporte une dimension curative, salvifique. Elle a pour objectif aussi de guérir, de sauver. On peut penser à l’acte chirurgical, qui coupe pour sauver ! « Il faut livrer cet individu au pouvoir de Satan pour la perdition de son être de chair ; ainsi son esprit pourra être sauvé » (5,5).

Il y a, parallèlement, le salut de la communauté. Lui aussi ne peut pas passer par l’acceptation du mal, car alors, ce mal gagne petit à petit tout le corps, comme un peu de levain fait lever toute la pâte : la brisure de la communion fraternelle n’atteint pas seulement le coupable, mais tous les membres. La sanction – je le répète, destinée à guérir sans détruire – est nécessaire pour la communauté également.

Nous touchons ici à une réalité très délicate, c’est celle du scandale public. Lorsque le comportement d’une personne est public et fait scandale, c’est-à-dire qu’elle nuit gravement à la cohésion de la communauté tout entière et qu’elle entache sa réputation, la sanction doit être publique et comporte une exclusion visible. C’est le cas par exemple d’une personne divorcée qui a contracté une nouvelle union. Pour éviter le scandale, l’Eglise lui demande de ne pas communier.

En revanche, lorsque la faute n’est pas publique ou que le scandale n’est pas manifeste, le prêtre ne peut pas publiquement refuser la communion à la personne. Car alors il révèle ce qui n’a pas à l’être. Ainsi m’est-il arrivé de ne pas refuser publiquement la communion à une personne. Cependant, après l’Eucharistie, je me suis rapproché d’elle pour lui expliquer la raison pour laquelle elle ne devrait pas communier avant d’avoir régularisé sa situation.

Seigneur Jésus, tu sais à quel point les êtres humains sont solidaires les uns des autres de sorte que le bien de l’un soulève toute la communauté, tandis que le mal commis atteint tout le monde. Montre-nous le chemin de la juste sanction qui dénonce le mal, protège la société et donne au coupable l’occasion de se reprendre et de vivre. Car tu ne veux jamais la mort du pécheur, mais qu’il se repente et qu’il vive !

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane