Epargne moi la misère qui ferait de moi un voleur

PREMIERE LECTURE

MERCREDI, 25ème SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE – 2

 

« Seigneur, je n’ai que deux choses à te demander, ne me les refuse pas avant que je meure ! Éloigne de moi mensonge et fausseté, ne me donne ni pauvreté ni richesse : accorde-moi seulement ma part de pain. Car, dans l’abondance, je pourrais te renier en disant : ‘Le Seigneur qui est-ce ?’ Ou alors la misère ferait de moi un voleur, et je profanerai le nom de mon Dieu »

 

Proverbes 30,6-9

Ce texte, chers amis, je l’ai découvert dans le cahier de méditations d’un homme de Soweto, mort de faim au Mozambique, alors qu’il était parti chercher du travail. C’était un ministre laïc de l’Eucharistie, il était marié mais venait de perdre son emploi. Au cours de la veillée funèbre, sa sœur m’avait prêté son cahier de prière et de méditation. Peter avait simplement recopié ces lignes du livre des Proverbes. C’était quelques jours avant sa mort.

Tout est dit. Quelle sagesse se dévoile dans le regard sur les dangers qui se rejoignent, celui de l’abondance et celui de la misère ! L’abondance peut conduire à ignorer Dieu, devenu « inutile ». Celui qui possède au dela du nécessaire n’a besoin de personne. Voltaire disait de Zadig qu’il était « avec de grandes richesses, et par conséquent avec des amis ». Le Psaume 72, avec d’autres décrit bien cette tentation :

02 Un rien, et je perdais pied, un peu plus, et je faisais un faux pas ;

03 car j’étais jaloux des superbes, je voyais le succès des impies.

04 Jusqu’à leur mort, ils ne manquent de rien, ils jouissent d’une santé parfaite ;

05 ils échappent aux souffrances des hommes, aux coups qui frappent les mortels.

06 Ainsi, l’orgueil est leur collier, la violence, l’habit qui les couvre ;

07 leurs yeux qui brillent de bien-être trahissent les envies de leur coeur.

08 Ils ricanent, ils prônent le mal, de très haut, ils prônent la force ;

09 leur bouche accapare le ciel, et leur langue parcourt la terre.

10 Ainsi, le peuple se détourne vers la source d’une telle abondance.

11 Ils disent : « Comment Dieu saurait-il ? le Très-Haut, que peut-il savoir ? »

L’autre, fruit de la misère, peut facilement faire glisser dans la débrouille et le vol. Nous savons trop peu que celui qui n’a rien à manger ne vole pas en cueillant dans un arbre, ni même en prenant du pain dans un supermarché. St Thomas d’Aquin, le grand théologien du XIIIème siècle a écrit qu’en cas de « nécessité […] urgente et évidente […] quelqu’un peut licitement subvenir à sa propre nécessité avec le bien d’autrui ». En concluant qu’ « il n’y a là ni vol ni rapine à proprement parler. » Nous avons besoin des moyens nécessaires pour vivre dignement.

Pour autant, il s’agit là de nécessité urgente évidente. Même le pire des hommes a le droit de se nourrir. Mais il n’est pas rare que la misère déforme aussi le sens de la propriété d’autrui et qu’elle pousse à des pratiques répréhensibles aux yeux de Dieu. C’est de cela que parle le livre des proverbes « la misère ferait de moi un voleur » (Proverbes 30,9).

Que la prière de ton sage, Seigneur, soit ma supplication continuelle pour moi et pour tous. Puissions-nous apprendre à mettre les richesses de la nature au service de la dignité de chaque vie. Qu’elles servent à notre solidarité, que je serve toujours le bien commun.