Attacher notre regard à Jésus, sur la croix

PREMIÈRE LECTURE

MARDI, 5ÈME SEMAINE DE CARÊME

« Le Seigneur dit à Moïse : ‘Fais-toi un Serpent brûlant, et dresse-le au sommet d’un mât : tous ceux qui auront été mordus, qu’ils le regardent, et ils vivront !’ »
Nombres 21,4-9.

L’épisode des serpents dans le désert a été rapporté par Jésus pour annoncer sa croix et faire comprendre le salut pour tous ceux qui la vénèrent : « Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous comprendrez que moi, JE SUIS » (Jean 3,28). Que s’est-il donc passé dans le désert ? Nous ne le saurons jamais complètement, car ces textes ont été écrits des siècles après l’événement qu’ils rapportent et tout peut laisser croire que l’histoire orale a pris des couleurs légendaires difficiles à saisir.

Là n’est pas l’important, pour le croyant. Car la Bible n’est pas d’abord un livre d’histoire, c’est un témoignage de foi et un livre de sagesse. Que nous dit-il ? Il nous parle d’un peuple conscient que les malheurs qui lui arrivent ont quelque chose à voir avec son infidélité. Il se sent en partie responsable : quand il est mordu par de nombreux serpents, il reconnait sa faute et disent à Moïse : « nous avons péché en récriminant contre le Seigneur et contre toi » (21,7). Savoir regarder sa vie d’une façon critique est indispensable pour grandir, pour évacuer ce qui ne construit pas la paix et la communion et apprendre à être responsable pour le bien. C’est déjà une leçon d’une grande importance pour nous. Nous plaindre en accusant les autres, ou même Dieu, n’est jamais juste.

Ensuite, le peuple se tourne vers Dieu, précisément par l’intermédiaire de Moïse : « intercède auprès du Seigneur pour qu’il éloigne de nous les serpents » (21,7). Moïse le fait, et ce n’est pas la première fois qu’il implore le Seigneur pour son peuple rebelle. Dieu n’est jamais insensible à la prière vraie et humble. Il sait toujours tirer le bien du mal, transformer les serpents en signe de salut.

Ce texte de l’Ancien Testament me touche parce qu’il nous montre un Dieu qui utilise des images et des statues ! Il m’explique que Dieu n’est pas contre les images, il est contre les idoles. Les idoles, ce sont des images dont on dit qu’elles sont des dieux ! Il peut arriver que certains chrétiens donnent le sentiment, par leur comportement, que les statues sont plus importantes que le Saint Sacrement. Alors la critique peut être justifiée, mais cela ne retire rien au droit que nous avons, comme Dieu, d’avoir des images, des photos, des statues qui nous rappellent comment Dieu sanctifie ses amis.

Dieu notre Père a fait de la mort du Christ sur la croix le chemin du pardon et de la vie redonnée ! à trois reprises, dans l’Évangile de Jean, Jésus fait référence au récit que nous méditons ici : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé » (Jean 3,14, cf. 8,28 et 12,31-32). L’image du serpent se retrouve aussi hors de la Bible, dans la mythologie grecque comme le bâton d’Esculape ou le caducée d’Hermès. Le serpent est un animal ambigu, dont il faut exorciser le pouvoir de mort. Mais c’est le Christ que nous regardons pour recevoir le pardon de nos péchés.

Pour nous, en ce temps de confinement et de carême, nous sommes invités à attacher notre regard à Jésus, sur la croix, mort pour nos péchés, lui, l’Innocent, seul capable de clouer nos fautes sur la Croix. Nous reconnaissons notre complicité aux injustices de ce monde, notre surdité face aux malheureux et aux pauvres, notre abus de pouvoir sur la terre et sur ses biens, notre désir d’accumuler plus que nécessaire, le fait que souvent, plus nous avons, moins nous sommes prêts à partager. Nous avons besoin d’écouter la sagesse amérindienne, si proche de l’Évangile et si respectueuse de la terre et du partage des biens.

Seigneur Jésus, il n’y a pas d’autre nom que toi par lequel nous puissions être sauvés. Élevé de terre, tu attires à toi l’humanité tout entière, permet qu’en regardant Celui qui nous avons transpercé, nous soyons libérés de nos péchés et de la mort.

Mgr Emmanuel Lafont