“Tous en effet, vivent pour lui”

Les saducéens sont en quelque sorte des « intégristes » ; ils s’arrêtent à l’enseignement de Moïse à savoir le Pentateuque – les 5 premiers livres de la Bible – et n’acceptent pas l’enseignement postérieur des prophètes et des sages de l’Ancien. Ainsi, ils ne croient pas en la résurrection, car à l’époque de Moïse, on pensait que la seule manière que l’homme avait de survivre après la mort était par le biais de sa postérité, c’est-à-dire à travers ses enfants. Au début de l’histoire d’Israël, le groupe prenait le pas sur l’individu ; ce qui était important, c’était le peuple, sa fidélité à l’alliance avec Dieu, sa fécondité, sa sécurité, etc. On a encore vu cette conception des choses au XXe siècle avec des pilotes japonais qui se suicidaient en jetant leurs avions sur des bateaux de guerre américains, car pour eux leurs vies personnelles étaient peu de chose à côté de la liberté et de l’honneur de leur Peuple. C’est avec le prophète Isaïe (Is 26, 19) et particulièrement à l’époque de la persécution d’Antiochus Épiphane qu’apparaît clairement en Israël cette foi en la survie individuelle après la mort (2 Maccabées 7, 1 s & 12, 40-46). En effet, le peuple ne comprenait pas qu’un juste qui meurt jeune à cause de sa foi n’ait aucune récompense pour sa fidélité.

A l’époque de Jésus seule une petite minorité (les saducéens) ne croient toujours pas en la résurrection. Quelques uns d’entre eux abordent donc Jésus pour tenter de lui prouver que l’idée de résurrection est stupide. Ils lui posent un problème difficile puisqu’il s’agit du cas de 7 frères qui épousent successivement la même femme sans laisser d’enfant. « A la résurrection, demandent-ils à Jésus, de qui sera-t-elle l’épouse ? »

La réponse de Jésus est double :

1) Il ne faut pas s’imaginer que le monde à venir est comparable à ce monde ci. Dans le Royaume, les Fils de Dieu sont éternels, leurs corps même sont « spiritualisés ». Ils n’ont plus besoin de se reproduire. Le mariage est donc superflu. De plus les citoyens de ce monde à venir aiment de l’amour même de Dieu, leur amour est donc universel et ne se réduit pas à une petite famille humaine mais s’étend pleinement à Dieu et à toutes ses créatures.


2) Il déplore leur méconnaissance de l’Écriture en citant un passage du deuxième livre du Pentateuque Ex 3, 6 : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Jésus ajoute, Dieu n’est pas un Dieu de morts mais de vivants. En effet, si les noms qui sont dans le titre que Dieu se donne, à savoir « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob », étaient ceux de morts, cela signifierait que Dieu n’est pas consistant, il serait le dieu des ombres, de ceux qui n’existent plus. Il serait lui-même une ombre. Mais Dieu est jaillissement de vie et il aime tout ce qui existe avec un amour de prédilection pour l’homme qu’il a créé à son image ! Or en Dieu Amour et Vie se confondent (cf. Jn 14, 6 et 1 Jn 4, 8) de sorte que ceux qu’il aime vivent par lui. Par conséquent, ceux qui accueillent son amour et s’attachent à lui demeurent vivants. Si une jeune femme fait alliance avec un milliardaire, elle devient par le fait même milliardaire, de même si vous faites alliance avec la Vie, vous devenez vivants éternellement par le fait même. Jésus le dit bien dans cet évangile : « Tous, en effet, vivent pour lui ».

Ainsi les patriarches mais aussi tous ceux qui ont vécu dans la foi au Dieu d’Israël sont vivants. Nous nous rappelons que sur la Montagne de la Transfiguration, Moïse et Elie apparurent en gloire au côté de Jésus. Tous les saints sont dans cette même gloire entrevue par les apôtres sur le Mont Thabor. Et nous-mêmes cheminons vers cette gloire en tâchant de marcher à la suite de Jésus sous la poussée de l’Esprit Saint. Nous sommes promis non à la mort mais à la Vie. Baptisés nous dit saint Paul, nous avons revêtu le Christ (Ga 3, 26), nous avons endossé aussi sa victoire sur la mort et la gloire de la Résurrection.

+ Alain Ransay, évêque de la Guyane