Forum sur la réconciliation avec pour thème: LIBRE ET RESPONSABLE

Du 27 février au 1er mars 2022, a eu lieu le Forum sur la Réconciliation avec pour thème : LIBRE ET RESPONSABLE.

 

1er jour : 27 février 2022

C’est au Lycée Professionnel Anne-Marie Javouhey que la rencontre a eu lieu. Grâce au travail coordonné en amont par l’équipe chargée de l’organisation, l’accueil des participants, les inscriptions, la remise des badges et des tickets de restauration se sont déroulés en toute sérénité.

A 17h00, la messe d’ouverture a été célébrée à l’église Saint Louis à Mirza. L’animation liturgique était assurée par la chorale paroissiale de Mirza. Quelques prêtres et diacres étaient présents autour du célébrant principal, le Père Joseph Dumé, assurant l’intérim de Mgr Alain Ransay, notre évêque. Relevons la présence d’une foule considérable de fidèles venus de tout le diocèse.

Dans son homélie, le père Dumé, développa trois thèmes : notre aveuglement, notre attitude à juger les autres en les regardant de haut, et la nécessité d’être vigilant dans nos relations humaines. Voilà des thèmes qui nous plongent dans la réalité du forum. Puisque nous sommes appelés à guider les autres, le Seigneur nous invite à nous réveiller de notre profond sommeil, car un aveugle ne peut diriger un autre aveugle. Par conséquent, nous devons demeurer dans la lumière, et l’un des moyens d’acquérir cette lumière est le chemin de la réconciliation, d’où l’importance de ce forum.

 

2ème jour : 28 février 2022

La rencontre débute avec des louanges orchestrées par la Communauté le Feu de la Source, suivie des Laudes.

Mgr Alain Ransay, a souhaité la bienvenue aux participants et dans son mot d’accueil, a rappelé que le forum était initié par son prédécesseur l’administrateur Mgr Michel Dubost. Il évoqua la modification du programme initiale compte tenu de certaines circonstances.

 

EST-IL JUSTE, BON, NECESSAIRE POUR UNE VICTIME DE PARDONNER ? 

Le Père Serge BAQUE, psychologue, aborda le premier thème du forum « Est-il juste, bon, nécessaire pour une victime de pardonner ? » Évoquant la dernière demande de la prière du ‘‘Notre Père’’ : « Seigneur, délivre-nous de tout mal », il axe le développement de son thème sur quatre temps : énoncer ; dénoncer ; renoncer et annoncer.

Énoncer : l’énonciation consiste à parler du mal, à le sentir, à aller au fond de sa douleur comme Rachelle qui pleurait ses enfants et ne voulait pas être consolée (Mt 2, 18). Il expliqua que toute souffrance non-énoncée, non-reconnue pleinement, conduit à une imputation de soi.

Quant à la dénonciation, il s’agit de reconnaitre et de désigner le mal comme mal, ensuite, de s’y opposer. Il souligna que dénoncer le mal subi, est aussi bien pour soi que pour l’agresseur. La dénonciation oblige l’agresseur à reconsidérer ce qu’il reproche à l’autre.

Développant la renonciation, une question se pose : que vais-je faire de ce qu’on m’a fait ? Il faut savoir s’en détacher. C’est nécessaire de renoncer à son statut de victime qui nuit à l’existence. Car, être victime ne donne aucun droit privilégié, aucune importance particulière. Détachons-nous de la haine et vivons libre. Nous avons tous besoin du pardon pour mieux vivre.

Le dernier point, annoncer, nous évoque la possibilité de redevenir vivant, de se libérer, de se délivrer. C’est annoncer la délivrance pour soi et pour l’autre. J’ai mis devant toi la vie et la mort, je te conseille de choisir la vie. (Dt 30, 19)

LES CONDITIONS DU PARDON : LA VERITE ET LA JUSTICE

Mr Joël Sollier, procureur général près la cour d’appel de Cayenne, aborda le thème : « les conditions du pardon : la vérité et la justice ». Le désarroi provient du rapport de l’homme et de la violence évoqua-t-il, et la solution à la violence de l’homme émane d’une réponse morale et spirituelle.

Avec la problématique de la réconciliation, comment la justice s’insère-t-elle dans le pardon et la réconciliation ? au premier regard, le pardon n’a pas sa place en justice. Il faut noter que la justice humaine réprime et ne pardonne pas. Elle peut gracier une peine, c’est-à-dire annuler les conséquences d’une condamnation mais la personne reste coupable. La justice n’a pas le pouvoir de pardonner. Car le pardon est bilatéral entre l’auteur et la victime. La justice peut déclarer des actes impardonnables lorsque qu’ils sont presceptibles (crime contre l’humanité, génocides…).

Par ailleurs, la logique de la justice des hommes et le principe de la réconciliation par le pardon se rejoignent par des aspects. Ils ne s’ignorent pas nécessairement. Alors, comment les démarches juridiques et le pardon, message évangélique se concilient-ils ? Le conférencier considère trois points essentiels :

  1. Connaître la vérité : il ne faut pas condamner sans connaitre la vérité, toutefois, cette vérité est partielle.
  2. Nommer le mal : l’auteur et la victime doivent reconnaitre et nommer le mal. Ils doivent se reconnaitre pécheurs.
  3. Refus de la vengeance : la justice n’est pas la vengeance. C’est contraire à la loi du talion

Avec le pardon, nous ne nous enfermons pas dans le mal. Le pardon distingue l’homme de sa faute. L’homme ne se réduit pas à sa faute, ce qui est contraire à la justice des hommes. Le pardon est plus exigent que la simple justice des hommes.  Le pardon complète et dépasse la justice des hommes affirma-t-il. Cependant, la justice garantie la paix et l’harmonie entre les hommes dans la société. Le pardon ne s’oppose pas à la justice mais conduit à la conversion de l’homme.

LE SACREMENT DE RECONCILIATION

Mgr Alain Ransay intervint sur le sacrement de réconciliation. Il précisa que ce sacrement connu sous plusieurs appellations comme sacrement de pardon, de guérison, n’est pas inventé mais institué par Jésus : « Après ces paroles, il souffla sur eux, et leur dit : Recevez le Saint-Esprit. Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » (Jn 20, 22-23) Par conséquent, il est non seulement important d’exprimer son péché mais aussi d’entendre quelqu’un mandaté par le Christ nous dire : « tes péchés sont pardonnés »

Par ce sacrement, le pénitent se réconcilie avec lui-même : il se pardonne. Il fait la vérité sur qui il est lui-même d’une part, et il se réconcilie avec Dieu, avec l’Eglise et avec l’humanité d’autre part. tels sont les effets de ce sacrement de réconciliation nous précise Mgr Ransay. Les conséquences résultent à la libération, à la restauration et à la non-résistance.

 

3ème jour : 1er mars 2022

PEUT-ON ETRE LIBRE SANS ETRE RESPONSABLE ?

Nous avions eu la conférence du professeur de philosophie Mr Lazard Ki-Zerbo sur le thème : « peut-on être libre sans être responsable ? » Il commence par expliquer que la philosophie va au-delà des apparences. Ainsi, il pose la question de savoir si la liberté est l’absence de contrainte ? La loi est-elle une contrainte ?

Le conférencier commence par définir le concept de la liberté. Etre libre, c’est faire ce que l’on veut. Telle est la compréhension des jeunes et de beaucoup d’autres aujourd’hui. En revanche, la liberté est la capacité de prendre des initiatives, de faire quelque chose sans obstacle. Il attire notre attention sur le fait que l’homme est toujours libre, mais il est condamné à prendre sa responsabilité. La liberté, la conscience nous contraint à prendre position. Ainsi l’idée de la réconciliation est dans la philosophie.

Dans la réconciliation, nous traversons le péché pour aller à la liberté, ce qui exprime le détachement du poids du péché. Le pardon nous libère du passé mais il y a aussi l’engagement vers l’avenir. C’est la responsabilité tournée vers le futur. Cependant la responsabilité oblige l’homme à rectifier certains actes du passé comme par exemple lorsque le pape Jean Paul, lors de son passage à Gorée, demanda pardon contre l’esclavage. Ainsi, nous ne sommes pas toujours libres de choisir notre responsabilité lorsque le monde nous interpelle.

Pour finir, il propose quelques pistes de réflexion en formulant les interrogations suivantes:

Quelle réconciliation avec la nature ?  Laudato Si.
Quelle réconciliation avec l’autre ? Laisser l’agressivité, la haine.
Quelle réconciliation avec la société ? La place des femmes dans l’Eglise ?
Quelle réconciliation dans l’Eglise ? La trahison de l’Evangile ou la Parole de Dieu ?

 

JESUS PEUT-IL ENLEVER LE PECHE DU MONDE ?

Après la pause, le Père Paulin VITAL, prêtre bibliste, enchaîna avec la thématique : « Jésus peut-il enlever le péché du monde ? ».  Notons que la compréhension du péché n’est pas toujours bien concernée. Alors le conférencier développa son thème en deux points : la définition du péché et comment le Christ enlève le péché de notre monde.

Il élucide la différence entre le péché et les péchés. Tandis que le péché désigne la nature, l’état de péché qui nous affecte, les péchés évoquent les actes. L’intervenant précise que par filiation, nous naissons dans le péché. Nous avons une inclinaison au mal. Ainsi le péché nous fait comprendre la zone d’ombre qui nous affecte. Les péchés sont des actes mauvais que nous posons devant Dieu au regard de la loi divine. Ce sont des fautes contre la raison, contre la conscience droite, contre la vérité. C’est porter atteinte à la solidarité humaine.

Il évoqua les différents types de péchés : péché contre Dieu, contre soi-même, contre l’autre…, en pensée, contre les vertus…

Il clarifia les péchés capitaux (générateurs d’autres vices, œuvres de la chair, Gal 5, 19-21), les péchés véniels (commis par ignorance), les péchés qui crient vers le ciel (avortement, homicide, viol, la plainte de la veuve, de l’orphelin…), les péchés structurels (commis par association).

La deuxième partie de son exposé éclaircit la vie nouvelle sans péché, comment Jésus enlève les péchés du monde (Mc 2, 1-12 ; Jn 9, 1-12). Il argumenta que Jésus enlève le péché du monde par la foi, par la conversion, par la réconciliation mutuelle et surtout par la grâce. Le pardon divin dépasse l’entendement humain et c’est la grâce, ajouta-t-il.

COMMENT TRAVAILLER A LA RECONCILIATION DES DIFFERENTES ETHNIES QUI COMPOSENT LA SOCIETE GUYANAISE ?

Dans l’après-midi, Mme Isabelle Hidair-Krivsky, docteur en anthropologie sociale et ethnologue, développa le thème : « Comment travailler à la réconciliation des différentes ethnies qui composent la société guyanaise ? »

Elle repassa en vue la diversité culturelle, linguistique et physique dans la société guyanaise. La diversité éprouve notre identité, notre patience. Cependant nous créons cette diversité par les vagues migratoires. Le croisement crée actuellement des difficultés de cohabitation. Puisque l’identité planétaire, ayant des limites, ne nous rassure pas, nous voulons être dans notre groupe, avec notre groupe (celui ou celle qui parle comme moi, même accent, même langue, qui me ressemble…), c’est-à-dire, nous revendiquons notre groupe d’appartenance. Car la différenciation crée le rejet conduisant au racisme…

Une question se pose : comment créer la ressemblance ? La conférencière précise qu’il s’agit de nous focaliser uniquement sur nos points communs. Nous ne pouvons pas être identiques, avoir les mêmes goûts, nous ne pouvons pas parler de la même manière, même les jumeaux ne le sont pas. Par conséquent, nous considérons juste ce qui nous rassemble.

La différenciation fait intervenir le rejet, la xénophobie et à l’extrême, le racisme. Toutefois, la ressemblance et la différenciation ne sont pas dangereuses.

Dans notre société, nous parlons plus de « multi-culturalité » qui est dangereuse parce que le thème désigne une juxtaposition de groupe. Cela s’applique aussi à « mosaïque ». Mieux vaut utiliser le thème « interculturalité » qui exprime une certaine dynamique. De ce fait, comment aller à la réconciliation ?

Pour aller vers la réconciliation, il faut s’ouvrir. Il faut aller vers le décroisement. Il faut ouvrir les compartiments et faire communiquer les personnes influentes. En d’autres mots, il faut regarder nos points communs, focaliser sur ce qui nous rassemble, ce qui fait que nous pouvons parler en tant que guyanais et guyanaises.

Nous clôturons le forum par des animations, suivies de I’ exposition du Saint Sacrement, et de la prière de guérison intérieure dirigée par Mgr Alain RANSAY.

Père Stanislas, CSSp