C’est par nos péchés qu’il a été broyé

«  Il était méprisé, abandonné de tous, homme de douleurs, familier de la souffrance, semblable au lépreux dont on se détourne ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien. Pourtant, c’étaient nos souffrances qu’il portait,
nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était châtié,
frappé par Dieu, humilié. Or, c’est à cause de nos fautes qu’il a été transpercé,
c’est par nos péchés qu’il a été broyé
»

 

Isaïe 52,13 – 53,12

 

Le quatrième chant du serviteur d’Isaïe nous présente, à cinq siècles de distance, un portrait époustouflant du Christ méprisé, bafoué, torturé et crucifié : C’était nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. » Nous retrouvons l’expression du pape Paul VI le jour de la clôture du Concile Vatican II, le 8 décembre 1965 :

« Le Christ n’a pas supprimé la souffrance ; il n’a même pas voulu nous en dévoiler entièrement le mystère : il l’a prise sur lui, et c’est assez pour que nous en comprenions tout le prix.

O vous tous, qui sentez plus lourdement le poids de la croix, vous qui êtes pauvres et délaissés, vous qui pleurez, vous qui êtes persécutés pour la justice, vous sur lesquels on se tait, vous les inconnus de la douleur, reprenez courage ; vous êtes les préférés du royaume de Dieu, le royaume de l’espérance, du bonheur et de la vie ; vous êtes les frères du Christ souffrant; et avec lui, si vous le voulez, vous sauvez le monde !

Voilà la science chrétienne de la souffrance, la seule qui donne la paix. Sachez que vous n’êtes pas seuls, ni séparés, ni abandonnés, ni inutiles ; vous êtes les appelés du Christ, sa vivante et transparente image. En son nom, le Concile vous salue avec amour, vous remercie, vous assure l’amitié et l’assistance de l’Eglise et vous bénit. »

Nous vivons un Vendredi Saint confiné. On pourrait croire que la souffrance de Jésus, comme la nôtre aujourd’hui, est une punition de Dieu. Encore une fois, je pense que c’est mal interpréter l’Écriture, et ne pas tenir compte que l’Ancien Testament représente une première étape de la Révélation. Dieu n’a pas tout révélé d’un seul coup, il a lentement accompagné l’humanité comme des parents accompagnent leur enfant dans les différentes étapes de sa croissance, de l’enfance à l’âge adulte, en passant par l’adolescence et la jeunesse. On ne dit pas tout dès le début.

Pour la Révélation, c’est la même chose. Jésus accomplit cette révélation et lui donne son sens définitif. Voir en Dieu un guerrier, un juge à la manière humaine (qui récompense les « justes » et punit les coupables), et un maitre de punition ne correspond pas à l’image que Jésus en donne, et qui trouve, en Luc 15,1-32, en Luc 19,1-10 et en Jean 8,1-11 par exemple des expressions indépassables. En ce sens il donne toute sa force à l’avancée profonde d’Ézéchiel qui affirmait déjà, au temps de l’Exil : « Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant – oracle du Seigneur Dieu –, et non pas plutôt à ce qu’il se détourne de sa conduite et qu’il vive ? » (Ézéchiel 18,23).

Ce sont nos fautes qui nous jugent et nous condamnent. Ce sont nos fautes qui produisent des catastrophes et qui mettent, si j’ose dire, la terre en révolte contre nous. Que cette pandémie et le confinement imposé nous donne l’occasion de nous assoir et de réfléchir : comment dois-je conduire ma vie pour respecter Dieu et sa Loi, respecter l’autre et son désir de liberté et de vie décente, respecter la nature et la protéger, me respecter moi-même dans mon corps et dans mon cœur ?

En ce Vendredi Saint, tandis que nous regardons ta croix, Seigneur Jésus, nous voulons t’offrir nos souffrances. Avec toi, qu’elles sauvent le monde. Et avec toi, nous voulons nous rendre proches de ceux qui, au milieu de nous sont accablés dans leur souffrance et dans leur solitude. Nous voulons être Ta présence auprès d’eux.

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane