« Malheureux, pourquoi faites-vous 

 cela ? Nous ne sommes que des

 hommes tout comme vous. Nous vous

annonçons la Bonne Nouvelle »

Actes des Apôtres 14,5-18.

Avec le récit de la première grande mission de l’Apôtre Paul, la « mission » atteint, si j’ose dire, son rythme de croisière. Nous ne sommes plus dans les débuts charismatiques caractérisés par de grands rassemblements et des conversions en masse (3000 le jour de la Pentecôte, cf. Actes 2,41, 5000 dans les jours qui suivirent, cf. Actes 4,4). C’est ainsi que Dieu encourage tout commencement d’un renouveau dans l’Eglise. Jésus en premier, avait rassemblé de grandes foules (cf. Marc 4,1, Matthieu 5,1, Luc 5,1, Jean 6,2), avant que, peu à peu, le chemin devienne plus rude jusqu’à la solitude extrême du vendredi saint. Mais ensuite le cours des choses reprend ses droits :  Aux pêches miraculeuses suivent la pêche à la ligne du quotidien…

Expulsés d’Antioche de Pisidie, Paul et Barnabé ne sont pas découragés. Ils partent à Iconium. Ils en sont rapidement chassés (Actes 14,5). Arrivés à Lystres, au contraire, la guérison d’un infirme de naissance suscite un méprise totale : nos deux missionnaires sont pris pour des dieux. Les Grecs étaient coutumiers de la croyance que les dieux et les déesses vivaient parmi eux, et au fond, comme eux, dans les intrigues, les affrontements et les jalousies bien humaines…

Décidément, quand on part en mission, on n’est pas facilement au bout de nos peines ! Oui, Dieu accomplit des miracles par nos mains, mais c’est à lui qu’il faut rendre gloire ! Paul avait guéri un homme qui ne pouvait pas marcher. Des miracles de cet ordre se produisent encore aujourd’hui. Un de mes frères prêtres me disait hier dimanche qu’à plusieurs reprises il avait confié des couples amis à Sainte Gianna Beretta Molla (médecin et mère de famille, retournée à Dieu le 28 avril 1962) et qu’ils avaient été miraculeusement exaucés !

Ce qui caractérise le saint, cependant, c’est son humilité. Il ne s’attribue jamais un miracle et n’en cherche aucune glorification, bien au contraire. Ainsi, Paul et Barnabé supplient les gens de Lystres de ne pas les considérer comme des dieux ! D’ailleurs, la formule de notre récit est très belle : « Paul le fixa [l’infirme] du regard et vit qu’il avait la foi pour être sauvé » (Actes 14,9). On pense à la parole de Jésus « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal » (Marc 5,34).

La foi est confiance en Dieu qui agit pour le bonheur le plus vrai de chacun. Sainte Zélie, mère de Ste Thérèse de Lisieux, atteinte d’un cancer, était allée à Lourdes dans l’espoir de guérir. . « Si le Bon Dieu veut me guérir, je serai très contente, car au fond, je désire vivre ; il m’en coûte de quitter mon mari et mes enfants. Mais d’autre part, je me dis : si je ne guéris pas, c’est qu’il leur sera peut-être plus utile que je m’en aille ». Elle mourut peu de semaines après son retour, le 2 août 1877. Elle avait 46 ans. Thérèse en avait 4.

Pour cette raison, l’Eglise est extrêmement prudente. Elle connait l’existence de miracles, elle sait que des personnes, sur la terre, produisent des guérisons, qui sont des « signes » de la puissance de Dieu, mais elle préfère être trop prudente plutôt que pas assez, et elle considère comme très dommageable l’effort de certains de tout miser sur leur puissance.

Seigneur Jésus, béni sois-tu pour la puissance que tu déploies chez nos frères et sœurs, les saints. Béni sois-tu aussi car tu ne souhaites pas que nous venions à toi seulement pour du pain, ou bien parce que tu fais des miracles. Garde-nous de tout miser sur les sensations et les sentiments et protège-nous de l’orgueil rampant et parfois inconscient.

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane