Le moment de mon départ est venu

PREMIERE LECTURE

SAMEDI DE LA NEUVIEME SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE

 

« Un temps viendra où les gens ne supporteront plus l’enseignement de la saine doctrine… mais toi, en toute chose garde la mesure,

supporte la souffrance, fait ton travail d’évangélisateur,

accomplis jusqu’au bout ton ministère »

2ème lettre à Timothée 4,1-8.

L’exhortation de Paul, vieux prisonnier romain, à son disciple Timothée, évêque d’Ephèse, m’apparait à la fois d’une brulante actualité et manifestant que les problèmes d’aujourd’hui ne sont pas nouveaux. De tous les temps, et depuis les débuts, l’Eglise a été affrontée à l’existence de pasteurs extérieurs vers lesquels les fidèles se sont tournés, provoquant des ruptures et des hémorragies. Les gens, même après leur baptême sont souvent soumis à « La démangeaison d’entendre du nouveau » (2 Tim 4,3-4) L’exode de catholiques d’aujourd’hui vers les églises évangéliques ou les Témoins de Jéhovah n’est pas un fait nouveau dans l’histoire.

A ce défi, l’Apôtre apporte une double réponse : d’abord, il demande à Timothée de raviver le don qu’il a reçu (2 Tim 1,6), de ne pas avoir honte de rendre témoignage au Seigneur Jésus (2 Tim 1,8), à proclamer la Parole à temps et à contretemps (2 Tim 4,1-2) etc. En bref, Paul souligne que les pasteurs et l’Eglise tout entière ne doivent pas être choqués. Ils sont invités, au contraire, à se montrer plus conformes au Christ, y compris dans son chemin de croix.

L’autre réponse consiste à inviter Timothée à ne pas abandonner son ministère missionnaire. Il doit poursuivre la mission, faire son travail d’évangélisateur, accomplir jusqu’au bout son ministère. Il lui faut accepter les souffrances inhérentes au ministère, rappeler la saine doctrine et fuir les discussions inutiles et stupides (cf. 2 Tim 2,23). Cette invitation à la mission n’est-elle pas celle que le pape François nous a lancée dans son Exhortation Apostolique la Joie de l’Evangile ? N’est-elle pas celle que l’Eglise de Guyane nous a fait suivre et qui doit se concrétiser dans la « Grande Mission » ?

Je regrette que la lecture de ce jour s’arrête en 2 Tim 4,8 et ne poursuive pas jusqu’à la fin, 2, Tim 4,9-22. Je vous invite à relire ces derniers versets, et à pratiquer le test que je vous avais proposé mercredi à savoir lire dans votre Bible l’introduction à 2 Timothée et toute la lettre (4 pages !) Je rappelle qu’il faut toujours saisir l’opportunité de la lecture d’un livre pendant un temps liturgique pour saisir ce livre dans notre Bible, regarder à quel endroit il se situe, lire et éventuellement travailler l’introduction, et lire le livre en entier.

Les derniers versets de 2 Timothée sont personnels. Il nous livrent les sentiments et les événements de Paul à l’aube de sa mort (cf. 2 Tim 4,6-8). Beaucoup l’ont abandonné ou même fait du mal (2 Tim 4,10.14-15.16) il reste seul avec Luc (2 Tim 4,11) et quelques amis (2 Tim 4,21). Certains sont en voyage (2 Tim 4,10.12.19-20). Quelques allusions tendent à révéler que Paul serait retourné à l’Est après son premier séjour à Rome en 60 – 62 (cf. 2 Tim 4,13.20). Cette lettre fut rédigée vers 67 ou début 68. Paul serait revenu à Rome vers 65, mais son intégration dans la communauté chrétienne, persécutée elle aussi, n’a pas été heureuse. Il s’est retrouvé tout seul au moment de son procès (cf. 2 Tim 4,16-18).

Ainsi, le destin de Paul rejoint celui de Jésus dans ses derniers jours : affrontements, abandons, solitude, effroi devant les germes de divisions dans la communauté croyante… nous faisons face à deux réalités de la vie ecclésiale : d’abord au fait que l’unité des chrétiens est un combat permanent. Loin de se satisfaire de la Parole – pourtant toujours nouvelle, ils sont « capricieux », toujours à la recherche d’une « foule de maîtres… de récits mythologiques… » (2 Tim 4,3-4).

Ensuite, pour les mêmes raisons, Paul, après Jésus, fait l’abandon de ceux qui connaissent trop leur visage et leurs enseignements, persuadés de ne plus avoir rien à apprendre d’eux ou même fatigués d’être trop connus d’eux… Ainsi se prépare l’ultime « purification », le dernier « émondage » de la part du Père, afin de préparer le « salut et l’entrée dans le Royaume céleste » du bon et fidèle serviteur (2 Tim 4,17-18, cf. Jean 15,2 ; Jean 21,18-19).

Seigneur Jésus, toi qui connais le cœur de l’homme, tu sais bien que ce sont souvent les défis et les souffrances qui nous remettent devant nos devoirs et notre mission. Fais en sorte qu’en Guyane, les défis lancés par les autres Eglises soient pour nous comme un aiguillon à vivre à plein notre mission pour que Toute ta Parole soit proposée, que l’Eucharistie parvienne à tous, que toute la foi soit proclamée par une Eglise catholique jeune, joyeuse et ouverte à tous, mais fidèle à toute la foi qui lui a été transmise.

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane