Il partit à la suite d’Elie

« Alors Élisée s’en retourna ; mais il prit la paire de bœufs pour les immoler, les fit cuire avec le bois de l’attelage, et les donna à manger aux gens. Puis il se leva, partit à la suite d’Élie et se mit à son service.  »

1er livre des Rois 19,19-21.

Le cycle d’Elie donne naissance, dans le Livre des Rois, à celui d’Elisée son disciple. Le maître exige tout ce son disciple. Elie anticipe l’appel que Jésus lancera à son tour à ceux qu’il aura choisi comme disciples. Ils devront le préférer à tout. Il ne peut pas y avoir de « Oui mais… ». Suivre Jésus est un appel radical qui peut demander, parfois, de le préférer même à ses parents ou à sa propre vie. Dans ce cas-là, il ne faut pas « regarder en arrière… » (Cf. Luc 9,57-62).

Un peu plus tôt, Dieu avait sommé le prophète Elie de choisir Elisée comme successeur (cf. 1 Rois 19,15). Il devra le faire entrer dans son expérience et le former jusqu’au jour où Elisée prendra la suite. La séquence de l’appel annonce bien ce que seront ceux de Jésus. Elisée est prêt à suivre Elie, mais il demande aussi un délai pour aller saluer ses parents. Pour Elie, c’est déjà trop et il rend sa liberté à son ami : c’est comme si il ne l’avait pas appelé.

Elisée a compris le message. Au lieu de retourner chez lui, il coupe les dernières attaches qui l’empêchent de suivre le prophète : il sacrifie ses bœufs sur le bois de leur attelage. Il a compris qu’il fallait TOUT quitter pour devenir prophète. Et tous les saints nous rappellent que pour suivre le Christ totalement, il convient de couper tout ce qui nous tient attachés à autre chose. Seul le détachement du reste nous attache à Jésus Christ. Le détachement peut prendre bien des formes. Mais même la plus petite corde doit être coupée.

La grandeur d’un responsable, comme Elie, c’est de savoir s’entourer de collaborateurs et de les former, patiemment, pour qu’ils puissent un jour prendre la suite. Si je lis bien le cycle d’Elie, je peux imaginer qu’Elisée fut son « serviteur » (1 Rois 19,21) pendant un bon moment. C’est ainsi que peu à peu l’esprit d’Elie entra dans Elisée.

La grandeur de l’homme, c’est de prendre des responsabilités, des engagements, et de les tenir dans les mauvais jours comme dans les bons. L’engagement est un des signes majeurs de la maturité humaine et spirituelle des enfants de Dieu. La vocation, le mariage, la profession comme un service qui met ses talents à la disposition des autres, l’engagement civique, syndical, politique, associatif, le bénévolat en un mot, tout cela manifeste la grandeur de l’homme. Tous ont reçu des talents, divers. Personne ne les a reçus pour lui-même, mais pour les autres, pour le corps familial, le corps social et pour le Corps du Christ qui est l’Eglise.

Seigneur Jésus, aujourd’hui où tu m’appelles à la sainteté, fais-moi découvrir ces liens secrets qui me tiennent éloigné de toi et partagé dans mon cœur. Je veux n’être qu’à toi… Soutiens mon engagement, car sans toi je ne peux pas le tenir vraiment. Et permets-moi de te remercier pour la foule immense de celles et de ceux qui vivent courageusement leurs engagements familiaux, sociaux et spirituels. Soutiens-les, redresse ceux qui tombent comme tu me redresses lorsque je tombe, moi aussi.

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane