N’oublie pas le Seigneur ton Dieu

«  N’oublie pas le Seigneur ton Dieu.

 C’est lui qui, pour toi, a fait jaillir l’eau

 de la roche la plus dure. C’est lui qui,

 dans le désert, t’a donné la manne »

Deutéronome 8,2-3.14-16.

En ce dimanche du Très Saint Sacrement, l’Eglise nous offre dans la liturgie un beau texte de l’Ancien Testament ; il est tiré du Deutéronome, livre souvent appelé le Saint Jean de l’Ancien Testament dans lequel Dieu révèle sa tendresse et le souci qu’il porte dans son cœur pour son peuple. Dans son discours, Moïse rappelle tout ce que son Dieu a fait pour sortir son peuple de l’esclavage en Égypte et pour le protéger des défis et des ennemis de la vie.

L’épisode de la manne, nourriture offerte pendant la traversée du désert (cf. Exode16,14-36) est devenu légendaire, symbole d’un Dieu qui nourrit et qui assume en tout la survie de son peuple.  La manne n’était rien d’autre qu’un pain venu du ciel. L’amour extrême du Christ en a fait la prédiction de son projet inouï : devenir lui-même la nourriture des siens, notre nourriture ! Il fait allusion à cette nourriture venant du ciel dans son discours sur le pain de vie : cf. Jean 6,30-33.48-51.

Moïse veut rappeler au peuple, au moment où ce dernier va entrer enfin en Terre promise, après 40 ans de pérégrinations dans le désert, que Dieu n’a jamais cessé d’être avec lui et de le protéger, en dépit de ses infidélités constantes. Dieu l’a nourri, Dieu l’a conduit, Dieu l’a instruit, Dieu l’a corrigé pour ses péchés… ‘Souviens-toi’ est un maître mot du Deutéronome et de toute vie chrétienne : la messe est un ‘Souviens-toi’ du salut acquis par le Christ sur le bois de la croix.

La manne est un symbole très fort – elle est d’abord signe de la Providence de Dieu : de Lui le peuple tient la manne, comme nous le rappelons dans le Notre Père : « Donne-nous aujourd’hui notre pain » – elle est quotidienne : signe d’un Dieu qui invite à la confiance, car il protège chaque jour – elle se suffit pour le jour, mais pourrit dans les mains de celui qui veut en ramasser pour le lendemain : Signe d’un Dieu qui n’aime pas celui qui s’enrichit pour lui-même ! Oui à la survie, nous rappelle Dieu, non à la thésaurisation ! cf. Exode 16,19-21. Être riche n’a de sens que dans le but de partager avec celui qui n’a rien.

Dieu n’aime pas cette société de consommation qui laisse la majorité des gens dans la misère pendant qu’un petit nombre accapare ce dont il n’a pas vraiment besoin. Jésus nous fait reprendre cela dans le Notre Père. Nous ne demandons pas le pain de la semaine, du mois ou de l’année, mais celui de ce jour : Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. D’ailleurs, le pain, comme la manne, est tout un symbole : il ne se conserve pas, il rassit et se durcit !

Enfin, Moïse rappelle que la pauvreté du désert a été nécessaire, indispensable, pour que le peuple sente la faim, et pas seulement la faim de pain, mais faim de la parole de tout ce qui sort de la bouche de Dieu. « N’oublie pas le Seigneur ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage… » Dans le désert, Dieu a voulu éprouver et savoir ce que le peuple avait dans le cœur. Oh comme ces paroles résonnent en nous qui vivons, depuis trois mois, dans un désert, nous qui ressentons si durement la pauvreté et la faim, par seulement de pain, mais aussi d’Eucharistie. Peut-être que nous aussi, au jourd’hui, nous sommes éprouvés par Dieu qui veut savoir ce que nous avons dans le cœur ? La manne nouvelle n’est-elle pas autant parole que nourriture, pain de la parole que pain eucharistique ?

Seigneur Jésus, je fléchis les genoux devant ton Verbe Trois fois Saint et je t’adore, ô mon Seigneur et mon Dieu ! Je reste confondu devant cet amour que tu me portes et qui se cache, si intimement, si mystérieusement, dans ta Parole et dans l’humble Hostie. Je reste sans mots, mais je te dis : je t’aime. Ne permets pas que je m’éloigne jamais de toi, ni que je jette l’une quelconque de ces miettes…

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane