Ne pas céder l’héritage de son père !

PREMIERE LECTURE

LUNDI DE LA ONZIEME SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE – 2

 

« ‘Cède-moi ta vigne ; elle me servira de jardin potager, car elle est juste à côté de ma maison ; je te donnerai en échange une vigne meilleure, ou, si tu préfères, je te donnerai l’argent qu’elle vaut.’ Naboth répondit à Acab : ‘Que le Seigneur me préserve de te céder l’héritage de mes pères !’ »

1er livre des Rois 21,1-3

Les prophètes du temps des rois d’Israël et de Juda (entre 1030 et 587 avant J.C.) se sont battus sur deux fronts : celui de l’idolâtrie – les Israélites étaient attirés par les dieux des Cananéens et des peuples alentour – et celui de l’injustice, fruit amer du pouvoir absolu de la monarchie. Nous avons vu Elie aux prises avec l’idolâtrie (cf. 1 Rois 18,20-39). Aujourd’hui, il fait face à l’absolutisme injuste.

Deux logiques s’affrontent dans ce récit. Celle du roi qui, parce qu’il est le roi, veut ce qui est le meilleur dans son royaume, et celle du paysan pour qui l’héritage des ancêtres vaut plus que tout l’or du monde. Samuel avait bien prévenu son peuple du danger qu’il courrait, lorsque ce dernier lui avait demandé un roi, comme les autres nations. Il avait répondu : « Il prendra vos meilleurs champs, vos plus belles vignes et vos plus beaux oliviers. Il les donnera à ses officiers » (1 Samuel 8,14).

La prophétie se réalise, et nous devons bien comprendre que le mouvement prophétique dont Elie est un des premiers est né dans ce contexte où le peuple de Dieu se trouvait souvent dans l’injustice du fait d’un pouvoir autoritaire et accapareur. Samuel, avant Elie, avait raison de souligner que l’enrichissement des plus forts ne correspond pas à la logique de Dieu, pour qui les biens de la terre ont été créés pour que tous en profitent et non pas le petit nombre.

Dieu est toujours le défenseur de celui qui est sans défense. La justice de Dieu est une justice basée sur la dignité de chaque être humain, qui est égale, quel que soit son statut social, son origine, sa religion ou ses convictions. Etre injuste envers quiconque, c’est être injuste envers Dieu. Acab n’avait pas eu l’audace de piétiner le droit de Naboth. Sa femme l’aura, mais les conséquences seront dramatiques pour les deux. Et si la Bible, dans son contexte culturel, nous présente la punition des deux comme l’œuvre directe de Dieu, nous savons bien, aujourd’hui, que ce sont nos actes eux-mêmes qui nous punissent. Nos œuvres mauvaises ont toujours des conséquences néfastes et destructrices.

Seigneur Jésus, tu nous as donné un sens très aigu de ce qui est injuste à notre égard. Mais souvent, ce sens de la justice est émoussé, lorsque nous regardons comment nous agissons avec les autres. Fais grandir en nous le sens du respect pour l’autre, et une reconnaissance réelle de sa totale dignité puisque tu en as fait ton frère ou ta sœur, mon frère et ma sœur.

+ Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane