Mon âme exulte en mon Dieu

PREMIERE LECTURE 

MÉMOIRE DU CŒUR IMMACULÉ DE MARIE

 

« Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu »

Isaïe 61,9-11.

La solennité du Sacré Cœur, le vendredi après la Fête-Dieu, est suivie le lendemain par la mémoire du Cœur immaculé de Marie. Nous savons à quel point la communion entre Jésus et sa mère, évoquée toujours discrètement dans les Évangiles, est le sujet d’une méditation profonde de beaucoup de catholiques. A juste raison. Marie seule, parmi toutes les créatures de Dieu, a gardé son cœur immaculé toute sa vie terrestre, préservée par une conception immaculée. Elle a vécu dans une intimité unique avec son fils. Les parents dont les enfants sont consacrés par la vie religieuse ou sacerdotale savent bien qu’ils gardent avec eux des liens de nature très différente de ceux qu’ils conservent avec les enfants qui se marient. Ils peuvent comprendre la relation unique entre Jésus et sa mère.

L’oracle d’Isaïe que nous méditons en ce jour est lui aussi très éclairant sur la manière dont les croyants lisent les Écritures. En effet, à première vue, le prophète n’avait sans doute aucune raison de parler de Notre Dame. Il écrit peu après le retour d’Exil, quelques cinq cents ans avant la naissance de Marie et ensuite de Jésus. Au moment où il rédige ses oracles, il pense d’abord à la joie des exilés qui retournent dans leur pays, quelques cinquante ans après leur déportation forcée (en 687 avant JC). Mais il pense aussi aux difficultés d’adaptation entre les Juifs revenus d’Exil et ceux qui sont resté en Terre promise. Ils n’ont pas vécu la même aventure spirituelle. Recréer l’unité du peuple est un chalenge.

L’unité viendra de l’image féminine de la capitale : Sion ! Les exilés en avaient rêvé : « Comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère ? Si je t’oublie Jérusalem, que ma main droite m’oublie ! » (Psaume 136 (137), 6). Sion, féminine, symbolise le peuple, comme l’épouse de Dieu en quelque sorte, qui exulte de joie à cause du Seigneur.

Nous reconnaissons dans cette exaltation le thème même du cantique de Marie lorsqu’elle rencontre sa cousine Elisabeth, le Magnificat. Je note alors plusieurs thèmes extrêmement intéressants : d’abord je remarque que la première phrase du Magnificat (Luc 1,46-55) est tissée dans le texte d’Isaïe, comme tout le reste du cantique, émanation de multiples prières de l’Ancien Testament (donc le cantique d’Anne, la mère de Samuel : 1 Samuel 2,1-10). C’est la Bible qui donne à Notre-Dame les mots pour exprimer son amour et sa reconnaissance. Marie est habitée par l’Écriture !

En priant avec l’Écriture, Marie rassemble et assume toute la prière, toute l’espérance de son peuple. Elle emporte le peuple tout entier dans sa prière.

Enfin, je comprends que les images sont faites pour s’enrichir l’une l’autre, et jamais pour s’exclure : le peuple dont Dieu est l’époux, le peuple symbolisé par Sion, la capitale du pays, la femme dont la génération atteindra le serpent au talon (Genèse 3,15), L’Eglise, Marie… la Parole de Dieu met en relation et chaque réalité. Il n’est pas besoin de choisir ; nous retrouverons cette richesse au chapitre 12,1-6 de l’Apocalypse où la femme qui s’enfuit au désert évoque et l’Eglise et Marie et peut-être aussi l’humanité tout entière et la création dans les douleurs de l’enfantement… (cf. Romains 8,18-22)… Il n’est étonnant que tous ces textes évoquent Notre Dame et son cœur immaculé, débordant d’allégresse et d’action de grâce…

Seigneur Jésus, béni soit celle qui t’a porté dans son sein, nourri de son lait, réconforté de sa présence, affermi par son obéissance, imité dans son humilité et sa tendresse pour nous tous, secondé dans ta mission de guérison et de réconfort aux quatre coins du monde… Merci d’avoir fait de nous ses enfants et d’elle notre Mère tant aimée. Apprends-nous à l’imiter à chaque instant, Amen !

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane