Je rejette ton veau d’or

PREMIERE LECTURE

MARDI DE LA QUATORZIEME SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE – 2

 

« Je le rejette, ton veau d’or, Samarie ! Ma colère s’est enflammée contre tes enfants. Refuseront-ils toujours de retrouver l’innocence ?
Ce veau est l’œuvre d’Israël, un artisan l’a fabriqué, ce n’est pas un dieu ; ce veau de Samarie sera brisé en mille morceaux.
»

Osée 8,4-7.11-13.

Lorsque le Royaume du Nord avait été établi, en 933 avant J.C., après la division du pays à la mort de Salomon, le nouveau roi Jéroboam avait voulu construire des sanctuaires dans le Nord, pour éviter que ses gens continuent d’aller à Jérusalem, dans le Royaume du Sud. Cf. 1 Rois 12,26-33. Jéroboam fit choisit deux lieux, Bethel au sud et Dan au nord de son pays (1 Rois 12,29). Il fit place dans chaque sanctuaire une statue, puisque l’Arche d’Alliance était à Jérusalem et qu’il avait besoin d’un autre symbole.

Jéroboam avait donc décidé de mettre des statues de veau en or (1 Rois 12,28). Le veau d’or est un symbole païen : il symbolise la force et la fertilité. On trouve ce symbole dans l’Orient ancien, et en Canaan, représentant le dieu de la fertilité Baal. Il reprend une formule que l’on trouve également dans le livre de l’Exode avec, justement, l’épisode du veau d’or devant la montagne de Dieu : « voici tes dieux, Israël, qui t’ont fait monter du pays d’Égypte » (1 Rois 12,28, cf. Exode 32,4). C’est de l’idolâtrie pure : appeler dieu ce que l’homme a fabriqué !

Osée et tous les prophètes se sont élevés contre ces idoles. Mais aujourd’hui, sans faire de veau d’or, l’argent a bien été érigé en une sorte d’idole pour laquelle on est prêt à faire n’importe quoi. Dès l’instant où, au lieu de se servir « de l’argent pour se faire des amis dans les tentes éternelles » (Luc 16,9), on se met à « servir l’argent » et on en fait son idole, en quelque sorte. Il est d’ailleurs très étonnant de voir que, dans la plus célèbre place financière du monde, Wall Street à New York, se trouve la statue dont l’image se trouve en haut de ce texte : quel aveu !

Dans un célèbre discours le 10 juillet 2015 à des Organismes populaires internationaux, le pape François déclara : « Malgré ces progrès, subsistent encore des facteurs qui compromettent le développement humain équitable et limitent la souveraineté des pays de la ‘‘Grande Patrie’’ et sous d’autres latitudes de la planète. Le nouveau colonialisme adopte des visages différents. Parfois, c’est le pouvoir anonyme de l’idole argent : des corporations, des prêteurs sur gages, quelques traités dénommés ‘‘de libre commerce’’ et l’imposition de mesures d’‘‘austérité’’ qui serrant toujours la ceinture des travailleurs et des pauvres. Les évêques latino-américains le dénoncent avec une clarté totale dans le document d’Aparecida quand ils affirment : “Les institutions financières et les entreprises transnationales se fortifient au point de subordonner les économies locales, surtout, en affaiblissant les États, qui apparaissent de plus en plus incapables de conduire des projets de développement au service de leurs populations”

Le pape parle de « l’idole argent ». Elle est bien présente dans notre monde. Souvent, quand je demande à quelqu’un quel métier il voudrait faire, il me répond : « Qu’est-ce qui rapporte beaucoup d’argent ? ». Le sujet n’est pas « Où vais-je déployer mes talents ? ou bien : Qu’est ce qui pourra aider la société ? »

Ainsi, la parole d’Osée est une vraie chance pour nous, surtout en ce temps d’épidémie où nous réfléchissons à ce que nous devrions changer dans notre vie, pour bien réfléchir à la place de l’argent dans notre vie : est-ce que je m’en sers pour me faire des amis, c’est-à-dire pour aider les autres, l’Eglise, la société, ou bien est-ce qu’il a pour moi une importance telle que le reste – Dieu, les autres, le bien commun – passe derrière ?

Seigneur Jésus, tant la Bible que l’Eglise ne cessent de nous inviter à réfléchir sur la manière dont nous faisons usage de l’argent pour que tous aient ce qu’il faut, et pour que ton Eglise ait les moyens de sa mission. Fais qu’en ces temps qui ne sont pas faciles pour beaucoup, nous sachions te servir sans partage, et nous servir de nos biens pour aimer, soutenir, permettre une vie décente à tous.

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane