Le Fils de l’homme enverra ses anges

PREMIERE LECTURE

MARDI, DIX-SEPTIEME SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE – 2

 « Que mes yeux ruissellent de larmes nuit et jour, sans s’arrêter ! Elle est blessée d’une grande blessure, la vierge, fille de mon peuple, meurtrie d’une plaie profonde. Si je sors dans la campagne, voici les victimes de l’épée ;

si j’entre dans la ville, voici les hommes souffrants de la faim. »

Jérémie 14,17-22.

Le chapitre 14 de Jérémie a pour contexte une grande sécheresse (14,1) peut-être une famine (14,17) et sans doute aussi une guerre (14,18). Ce sont des événements qui arrivent de temps en temps. Ils sèment de la misère, des destructions et des complaintes vers le ciel. Nous ne connaissons pas vraiment les circonstances historiques auxquelles fait référence cet oracle et ses prières. Mais nous en savons assez pour comprendre davantage encore qui est Dieu, qui nous sommes et quel chemin se déroule devant nous.

Le peuple n’est pas le seul à pleurer ! Sur 22 versets, Dieu sur 14. Le peuple – ou Jérémie répond seulement en 8 versets. Et quand Dieu parle, il pleure sur les blessures qui affligent sa fille, son peuple. Il contemple le malheur de ses enfants, victimes de l’épée, de la famine, d’incompréhension également : « Même le prophète, même le prêtre parcourent le pays sans comprendre » (14,18). Tout cela l’afflige, l’attriste et provoque. Le Seigneur s’insurge également sur les faux-prophètes qui font croire qu’ils parlent en son nom, alors qu’il ne les a jamais envoyés (14,14-15).

Dieu me fait penser à ces parents, dont les enfants sont adultes et agissent mal, sont envoyés en prison, déchirent leurs engagements familiaux… Que peuvent-ils faire ? Ils voient bien les conséquences des erreurs et des fautes de leurs enfants, mais ce sont des adultes. Il en va de même pour Dieu ! Quand je relis les 20 premiers chapitres de Jérémie, j’ai le sentiment de voir un Dieu désemparé, ne sachant plus quoi faire pour tirer son peuple du malheur dans lequel son insouciance et sa désobéissance l’ont conduit…

On aurait dit que cette complainte de Dieu à son prophète Jérémie a été écrite ce matin. Quand je regarde les nouvelles dans les journaux et que je lis ce qui se passe au Venezuela, au Mali, au Liban, quand je vois la colère des Noirs Américains contre une société toujours aussi raciste, quand je vois aussi les dégâts d’un virus que trop prétendent avoir vaincu pour le simple désir de partir en vacances… quand je vois les millions de migrants, poussés par le réchauffement climatique hors de la terre de leurs ancêtres et si mal reçus partout où ils demandent du secours, quand je vois le milliards engloutis dans un trafic de drogue planétaire qui dépasse totalement les moyens de la police et envoie en prison de milliers de pauvres à la recherche d’un argent facile… quand je vois les forêts qui brûlent quand on ne les déboise pas, et les Indiens qu’on repousse toujours plus loin, tout simplement par soif de pouvoir et d’or et d’argent…

Les huit autres versets de ce chapitre expriment la souffrance des victimes de cette sécheresse, de cette famine et de cette violence guerrière « Si nos fautes parlent contre nous, agis, Seigneur, à cause de ton nom » (14,7) ; « Ne nous délaisse pas ! » (14,10) ; « As-tu donc rejeté Juda ? Es-tu pris de dégoût pour Sion ? Pourquoi nous frapper sans remède ? » (14,19).

Puissions-nous nous demander vraiment « Que dois-je faire, comment dois-je vivre, comment devons nous nous aider les uns les autres à vivre pour échapper à ces misères ? A quel changement pratique de vie cette pandémie m’appelle-t-elle ? Et qu’arrivera-t-il plus tard, si demain, nous recommençons à vivre comme hier ? »

Je crois que les yeux de Dieu fondent en larmes et qu’il se demande, comme beaucoup d’entre nous, si nos blessures sont curables.

Certains sont tentés de dire : « si Dieu existait, il empêcherait tout ça ! » J’aimerais bien demander à un père et à une mère s’ils pensent réellement que leur amour pour leurs enfants les autorise à les obliger à se comporter selon leur propre désir ! Non, l’amour rend libre, et c’est pour cela que Dieu ne peut intervenir que d’une seule manière : en nous donnant la Loi de Vie, qui est la clé du bonheur, cette loi de vie dont nous ne voulons pas, justement, pour mieux en faire à notre tête…

« Regarde, je place aujourd’hui devant toi la vie et le bien, la mort et le mal. Ce que je te commande aujourd’hui, c’est d’aimer le SEIGNEUR ton Dieu, de marcher dans ses voies, d’observer ses commandements, ses préceptes et ses ordonnances. Alors tu vivras et tu te multiplieras » (Deutéronome 30,15-16).

Seigneur Jésus, nous sommes si impuissants devant la douleur des victimes de toutes ces guerres, ces tortures, ces fatwas et ces bombes… Notre cœur ne sait plus trop où se tourner. Et toi, sur ta croix, tu nous le redis : « Celui qui m’aime gardera mes commandements… à ceci, tous vous reconnaitront pour mes disciples, à l’amour que vous aurez les uns pour les autres. »

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane