Ma Maison de prière sera pour tous les peuples.

PREMIERE LECTURE

VINGTIEME DIMANCHE DU TEMPS DE L’EGLISE – A

« Les étrangers qui sont attachés au service

du Seigneur pour l’amour de son nom et

sont devenus ses serviteurs, Je les rendrai

heureux dans ma maison de prière  »

Isaïe 56,1.6-7.

L’épisode de l’Evangile que l’Eglise nous demande de faire entrer aujourd’hui dans notre cœur concerne un échange étonnant entre Jésus et une étrangère ; on pourrait croire, à écouter le Christ, qu’il n’a aucune considération pour elle, car il a été envoyé aux brebis perdues d’Israël. Mais nous savons bien qu’il en autrement et que l’attitude de Jésus ne fut que pédagogique (envers les disciples) et provisoire (envers les païens).

Pour préparer l’écoute de cette rencontre, l’Eglise nous propose le début de la troisième partie du livre d’Isaïe (chapitres 56 à 66). Nous voilà dans la période qui suit l’exil à Babylone, entre 538 et 520 avant J.C. environ. L’unité de la nation est difficile à reconstruire, d’abord parce que le pays est toujours sous domination babylonienne, mais ensuite parce que le peuple est constitué de groupes très différents : ceux, les plus humbles, qui étaient toujours restés à Jérusalem ; ceux qui sont revenus d’exil – essentiellement des prêtres et des personnes éduquées – ; des étrangers venus s’installer en Judée et à Jérusalem pendant l’Exil, sans compter les Juifs restés à Babylone ou ailleurs, mais pour lesquels il faut peut-être préparer une place. Ça fait du monde, dont les intérêts ne sont pas forcément convergents.

Le problème de l’admission des étrangers est particulièrement traité dans ces chapitres ! Le prophète présente manifestement des perspectives très ouvertes : les fils d’Israël doivent non seulement assister n’importe quel vagabond en détresse (58,7) mais en outre admettre dans leur temple les étrangers convertis ((56,3-7) et peut-être même envisager de les voir accéder à la prêtrise (66,21).

Dieu est le Dieu de toute l’humanité : ma maison s’appellera ‘Maison de prière pour tous les peuples’, dit encore Isaïe. Quant à la vie de Jésus, selon saint Matthieu, elle se déroule entre la visite des mages et l’envoi des disciples : Allez, de tous les peuples, faites des disciples… (Matthieu 28,19). Dès le début, l’évangéliste souligne la dimension universelle de la mission de Jésus. Il est venu pour tous les peuples de la terre.

La détermination de Dieu est impressionnante, dans cet oracle : « ceux qui s’attachent à Lui pour l’honorer, pour aimer son nom, pour devenir ses serviteurs, tous ceux qui observent le sabbat sans le profaner…je les conduirai à ma montagne sainte, je les comblerai de joie dans ma maison de prière » (56,6-7), comment puis-je écouter cet oracle, constater que beaucoup de ceux qui sont venus en Guyane du Brésil et d’Haïti sont arrivés catholiques et, ici, sont devenus évangéliques… et ne pas me demander quelle est ma part de responsabilité ? Comment ai-je fait pour qu’ils ne se sentent pas frères et sœurs parmi nous ? Cette question me hante, je pense qu’elle doit nous hanter tous. comment ne pas craindre qu’un jour j’entende Dieu me demander : « Où est ton frère Abel » (Genèse 4,9).

Seigneur Jésus, tu es venu pour donner la vie à tous, et tu ne reconnais aucune frontière, sinon celle de l’indifférence et du rejet. Donne-nous cette foi simple et pure du prophète Isaïe. Aide-nous à respecter et aimer nos frères et sœurs étrangers qui arrivent parmi nous dans une grande détresse. Tu ne sais, aucun de nous n’a tout seul la solution. Mais ne permets pas que la question soit enterrée sous nos tables et repoussée dans les savanes ou la forêt, ni même dans les temples évangéliques. Viens au secours de notre cécité et de notre impuissance. N’es-tu pas, finalement, cet étranger que je dois accueillir d’une manière ou d’une autre ? (Matthieu 25,35)

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane