Vous n’avez pas rendu des forces à la brebis chétive

PREMIERE LECTURE

MERCREDI, VINGTIEME SEMAINE DU TEMPS DE L’EGLISE – 2

 

« Malheur aux bergers d’Israël qui sont

des bergers pour eux-mêmes ! N’est-ce

pas pour les brebis qu’ils sont bergers ?

Au contraire, vous buvez leur lait … »

Ezéchiel 34,1-11.

Au début de l’Exil à Babylone, entre 598 et 538 avant Jésus-Christ, le prophète Ezéchiel est devenu la conscience de son peuple exilé et de ses chefs. Il fit faire à tous une profonde « révision de vie » ou « examen de conscience », afin de les amener à reconnaitre que le malheur dans lequel ils se trouvaient n’était pas l’œuvre de Dieu mais le résultat de leur infidélité et de leurs péchés.

Dans le chapitre 34, le prophète se consacre sur le rôle des chefs de son peuple, les « bergers ». Par ce terme, le prophète désigne les responsables politiques, les rois, et les chefs religieux, les prêtres et les grands prêtres. Beaucoup d’entre eux ont failli à leur mission, en ce sens qu’ils ont utilisé leur pouvoir pour leur profit personnel et non comme un service de leur peuple et de leurs fidèles. Ils ont été « des bergers pour eux-mêmes » (34,2).

Ils ont profité du peuple au lieu de le servir : « vous buvez leur lait, vous vous êtes habillés avec leur laine, vous égorgez les brebis grasses… » (34,3). Ils ne se sont pas préoccupés des pauvres : « vous n’avez pas rendu des forces à la brebis chétive, pansé celle qui était blessée, vous n’avez pas ramené la brebis égarée » (34,4). Ils les ont opprimé, en fait : « Vous les avez gouvernées avec violence et dureté » (34,4).

La réponse de Dieu, proclamée par Ézéchiel, sera de retirer le troupeau à ces mauvais bergers, et d’en prendre soin lui-même : « Me voici contre les bergers, je m’occuperai de mon troupeau à leur place… Voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis, et je veillerai sur elles » (34,10.11). Nous comprendrons, en accueillant le Christ, qu’il est, Lui, la présence de Dieu parmi nous, l’Emmanuel. Quand Jésus prend soin du peuple, c’est Dieu qui agit pour lui.

Ainsi, Dieu pervertit totalement l’image du chef, qu’il soit roi, évêque ou prêtre. Il n’est pas supérieur. Il n’est pas là pour le pouvoir et la domination. Il a été placé là comme Lieutenant, tenant lieu de Dieu, l’unique roi, l’unique grand-prêtre. Jésus l’avait bien expliqué à ses disciples : « Vous le savez, ceux que l’on regarde comme chefs des nations les commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi : Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave ce tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Marc 10,42-45).

Jésus connaissait parfaitement les Écritures. Il fait naturellement allusion à ce texte d’Ézéchiel en se montrant l’inverse radical de ces mauvais bergers, lui dont les entrailles se retournent en voyant la grande foule « parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger » (Marc 6,34) ; lui qui nous donne cette magnifique parabole du berger qui laisse 99 brebis pour aller à la recherche de celle qui était perdue (cf. Luc 15,3-7) et qui, finalement, se présente lui-même comme « le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis » (cf. Jean 10,11-18).

Quelle que soit l’époque, quelle que soit l’institution : la nation ou l’Eglise, il en va d’elles comme des individus : il est toujours nécessaire de purifier les intentions et les actes. Quelles que soient les responsabilités, religieuses, civiles ou militaires, ce sont toujours de personnes faillibles, tentées par l’égoïsme, la tentation du pouvoir abusif, de la domination et de l’accaparement des biens, ou pire encore par l’abus des plus faibles et des plus petites de leur brebis.

Nous devons prier pour nous, mais nous devons aussi, toujours, prier pour nos prêtres, nos évêques et notre pape, et devons prier pour les responsables politiques que nous avons choisis, afin que Dieu écarte d’eux ces tentations malsaines de se servir au lieu d’être au service des brebis qui leur sont confiées.

Seigneur Jésus, tu es, toi, le bon berger promis par Dieu à Ezéchiel : « J’irai moi-même à la recherche de mes brebis et je veillerai sur elles (cf. Ezéchiel 34,11). Nous te prions pour nos prêtres et nos évêques, protège les du mal, qu’ils aient, comme le pape François nous le demande, l’odeur de leurs brebis, qu’ils te ressemblent de plus en plus.

† Emmanuel Lafont

Evêque de la Guyane