On doit mettre le vin nouveau dans des outres neuves

« Et personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement le vin nouveau fera éclater les outres, il se répandra et les outres seront perdues »

 

Luc 5, 33-39

Il est arrivé souvent que, voulant critiquer Jésus, ses adversaires s’en prennent plutôt aux disciples. C’est plus facile ! Ainsi les pharisiens leur reprochent, ici, de ne pas jeûner comme les disciples de Jean le baptiste. Dans l’Evangile de Matthieu, ce sont les disciples de Jean qui viennent interroger Jésus (Matthieu 9,14-17). La réponse de Jésus est double. D’une part, il avertit qu’il y a un temps pour tout. Ses disciples ne jeûnent pas car l’époux est avec eux (cf. Luc 5,34).Le temps viendra où ses disciples jeûneront, lorsqu’il leur sera enlevé (5,35), et nous devons comprendre qu’il est lui-même l’époux et que le moment de son départ est celui de sa crucifixion puis de son retour à Dieu.

Jésus va plus loin. Il raconte deux paraboles dont le sens est identique : on ne peut pas faire du neuf sur du vieux. Il ne sert à rien de mettre un morceau de tissu neuf sur un vieux vêtement (5,36). On ne verse pas du vin nouveau dans de vieilles outres (5,37). La leçon est la même. Elle a une dimension de rudesse, mais elle est vitale.

Jésus invite ses adversaires à accepter que les choses changent. Ils ne doivent pas rester figés dans leurs habitudes, sinon ils ne seront pas capables d’accueillir l’actualité. Bien plus, ils doivent savoir que les choses nouvelles demandent des personnes nouvelles. Jésus, lui, est toujours dans l’actualité, dans la nouveauté : « Voici, je viens faire toutes choses nouvelles » (Apocalypse 21, 7).

J’oserai dire que les objets sont plus faciles à manier que les personnes. On peut jeter un vieux vêtement. On ne peut pas écarter une personne âgée. Là se trouve à la fois la richesse et le défi de la vie communautaire : la personne âgée doit accepter de passer la main tout en restant présente, et le jeune doit accepter de faire du neuf sans écarter l’ancien. En réalité, s’il faut changer de tissu, s’il faut changer d’outre, on ne peut pas changer de cœur. C’est le cœur qu’il faut changer, de l’intérieur. On ne remplace pas un cœur par un autre, on renouvelle un cœur. C’est la richesse de l’être humain, sa dignité, son défi !

Chrétien, es-tu prêt à changer ton cœur pour le rendre toujours au diapason de celui de Jésus ?

Chrétien, es-tu prêt à accepter des choses qui ne se faisaient pas quand tu étais jeune, mais que l’Esprit inspire, grâce aux jeunes, à l’Eglise aujourd’hui ?

Chrétiens, nous sommes toujours devant ce défi : accueillir ce qui est neuf sans tenter de le faire entrer dans les vieilles habitudes. Le pape François ne cesse de nous donner l’exemple par la manière dont il invite dont il conduit l’Eglise. Il a convoqué un synode sur l’Amazonie, souhaitant une Eglise où la périphérie du monde est au centre, parle avec un langage adapté, plein de bienveillance, plein de confiance dans la capacité des jeunes et des petits à renouveler l’Eglise. Tout n’a pas été facile. Des gens d’Eglise, peu ouverts dans leur cœur, ont prétendu que le carnaval de Rio était arrivé à Rome.

François n’a voulu changer ni la foi ni la doctrine, ni les règles, mais dans il nous fait entrer dans le regard de Jésus, infiniment miséricordieux. Il sait que les temps nouveaux réclament un renouveau de notre style de vie. Ne restons pas dans le passé. N’ayons pas peur de prendre de nouvelles habitudes. C’est le même Seigneur, hier, aujourd’hui et pour toujours.

Seigneur, tu demandes à ton Eglise de Guyane de faire une grande place aux jeunes, parce qu’ils sont nombreux, que ce sont tes enfants et que tu as une grande confiance en eux. Montre-nous comment construire de nouvelles outres pour accueillir ce vin nouveau, et ôte de nos cœurs la tentation de les enfermer dans de vieilles outres. Epargne-nous ainsi de les perdre et de perdre nos outres aussi.

† Emmanuel Lafont

Evêque de Cayenne.