La formule « ton obscurité sera lumière de midi » m’interroge

PREMIERE LECTURE

SAMEDI APRES LES CENDRES

« Si tu fais disparaître de chez toi le joug, le geste accusateur, la parole malfaisante, si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi. »
Isaïe 58,9b-14.

Nous continuons aujourd’hui la méditation du chapitre 58 du prophète Isaïe. La justice est une exigence incontournable de la vie en société. Le sentiment d’injustice est profondément ancré dans le cœur de l’être humain, au point que, très tôt, l’enfant le ressent et l’exprime avec des « c’est pas juste » qui retentissent dans les cris et les larmes.

On ne tue pas qu’avec des fusils ou des épées, on peut tuer avec des mots. C’est ce que fait la parole malfaisante (58,9). Le respect de l’autre est essentiel à la vie commune et nul ne peut attendre le respect s’il ne l’offre pas en même temps ; si tu respectes l’autre en paroles et en actes, il y a des chances qu’il te respecte également.

La justice ne suffit pas non plus, elle doit s’élargir dans la miséricorde. St Jean-Paul II écrit : « Dans la parabole de l’enfant prodigue… Il apparaît clairement que l’amour se transforme en miséricorde lorsqu’il faut dépasser la norme précise de la justice, précise et souvent trop stricte » .

La formule « ton obscurité sera lumière de midi » m’interroge. A l’expérience, les difficultés, les échecs, les persécutions ne sont pas épargnées à ceux qui suivent la Loi de Dieu et qui font le bien autour d’eux. Les justes – Jésus le premier – vivent des moments de grande obscurité humaine, de solitude, d’isolement, de rejet… Tout cela est bien obscure, mais le prophète semble dire que cette obscurité-là ne pèse pas grand-chose face à la lumière de la foi et de l’espérance. En même temps, dans l’obscurité même, le disciple est une lumière.

Mère Teresa n’a pas ressenti la présence de Dieu en elle pendant plus de cinquante ans. Elle vivait dans les ténèbres intérieures et écrivait à son confesseur « Si les gens savaient… ils me voient sourire ». Mais de cette obscurité intérieure jaillissait une lumière surabondante venant de celle qui « donnait à celui qui a fait et comblait les désirs du malheureux » (58,10). C’est ainsi que je comprends cette formule bien paradoxale.

Enfin, tout doit ce qui s’accomplit dans la charité envers les pauvres s’épanouit et trouve sa source dans le respect du sabbat, dit le prophète, dans le respect de ce jour « chômé » par Dieu (Genèse 2,3) et que nous lui devons, le jour du Seigneur, où le travail est laissé de côté pour vivre le service cultuel de Dieu avec les frères et sœurs… Alors, la religion est accomplie, le respect du Sabbat fera le reste. On ne peut opposer justice, charité et culte. Les trois sont ensemble. Le troisième trouve sa vérité dans les deux premiers.

Seigneur, que ta lumière brille dans les ténèbres par mes actes de justice, de miséricorde et d’amour. Tous les saints manifestent ainsi ta sainteté, et tu n’as que moi, aujourd’hui, pour éclairer ce monde que tu aimes.

Mgr Emmanuel Lafont