“Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux ». (Mt 5,20)

Cette parole de Jésus a de quoi étonner : les pharisiens sont des observateurs tellement zélés et rigoureux des 613 préceptes de la Loi de Moïse que l’on ne voit pas comment on pourrait faire mieux. Mais en fait, Jésus nous invite, non pas à s’attacher à la lettre de la loi de Moïse mais, à en observer l’esprit. Avec l’autorité qui est celle de l’auteur de la Loi, Jésus la décortique et en découvre le noyau à ses auditeurs – un noyau incandescent qui n’est autre chose que l’Amour. Finalement, la Loi ne constitue que des « béquilles » qui nous aident à faire nos premiers pas dans l’amour. Et Jésus nous invite à lâcher nos béquilles, à aller au-delà des préceptes,  et à marcher d’un bon pas sur le chemin de l’amour.

Je voudrais à titre d’illustration commenter la fin de l’évangile de ce dimanche : « Que votre oui soit oui et que votre non soit non » (Mt 5, 37). Il est équivalent au commandement : « tu ne mentiras pas ».

Évidement, ne pas mentir va parfois à l’encontre de nos intérêts immédiats.

Je connais un oncle qui donnait ce conseil à son neveu : « Dis toujours « oui ! ». Vous savez pourquoi ? En créole, on dit : « oui pas ni poutchi » ce qui se traduit : « un oui n’appelle pas de pourquoi ». En effet, supposons que l’on vous demande quelque chose ; par exemple : « Pourras-tu m’amener en voiture chez le médecin demain ? » Et que vous répondiez : « non ! » On va vous rétorquer : « Pourquoi ne peux-tu pas me rendre ce service ? » Et vous serez obligés de vous justifier. Tandis que si vous dites « oui ! » même si vous êtes sûr de ne pas venir, on va vous laisser tranquille… Mais le lendemain le malade va rater son rendez-vous avec le médecin et il saura qu’il ne peut pas compter sur vous. Vous en serez débarrassé pour longtemps sans doute. Mais à quel prix ? Vous connaissez le dicton : « La parole de l’homme vaut l’homme ». Si ta parole ne vaut rien, tu es quelqu’un d’inconsistant, une chimère.

En fait, on le voit clairement dans notre exemple : mentir au malade qui me demande un service est un manque d’amour envers lui. Si je l’aimais, je ne l’aurais pas  fait perdre son rendez-vous avec le médecin. On voit que le noyau du commandement « tu ne mentiras pas » est l’amour. Amour envers le prochain et envers moi-même car en définitive, Jésus l’a dit : « la vérité vous rendra libre ». Le Père du Mensonge nous ligote et nous éloigne du Royaume de Cieux chaque fois que  nous nous  éloignons de la vérité.

Demandons au Seigneur que notre justice dépasse celle des pharisiens qui s’attachent à la lettre des préceptes ; puissions-nous, par la grâce de l’Esprit-Saint, pratiquer les commandements de Dieu dans la vérité de l’amour et entrer triomphalement dans le Royaume des cieux.

+ Mgr Alain Ransay, évêque de la Guyane