« Aimez vos ennemis… » Mt 5, 44.

Quand nous venons à perdre un proche, très souvent on se dit : « Je ne l’ai pas assez aimé, je ne lui ai pas consacré suffisamment d’attention » ou parfois même pas du tout ; il peut arriver aussi que je n’ai pas saisi telle demande de réconciliation de sa part, etc.

Il peut même arriver que les personnes que nous n’avons pas su aimer nous ont aimés, elles, et ont attendu de nous un retour d’amour qui ne s’est pas toujours produit.  Nous avons beaucoup reçu d’elles et en retour avons  peu donné. Nous étions tellement préoccupés de nous-mêmes et par tellement de choses que nous remettions toujours à plus tard la visite que nous devions leur faire. Nous aurions pu partager des repas avec elles, les écouter, partager des choses du passé… Mais nous nous disions à nous mêmes que nous n’avions pas le temps. Et pourtant que de temps gâché par nous à surfer sur Internet ou à « zapper » devant la télévision.

Nous faisons alors ce terrible constat que même ceux qui nous aiment, nous ne savons pas les aimer comme il le faudrait. Comment dès lors pouvons-nous capter la parole de ce jour ? « Aimez vous ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent ».. 

Je n’aime pas suffisamment ceux qui m’aiment et le Christ me demande d’aimer ceux qui ne m’aiment pas, voire même ceux qui me détestent et cherchent à me nuire de toutes les manières ! C’est-à-dire mes ennemis, mes persécuteurs ! Allons, soyons sérieux…

Et pourtant, c’est très sérieux, c’est d’autant plus sérieux que c’est précisément ce que le Christ a fait. N’a-t-il pas prié pour ceux qui le persécutaient et l’avaient fait clouer à la Croix tout en l’abreuvant d’insultes ? « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». N’a-t-il pas aimé ces mêmes personnes qui s’étaient avérées être ses ennemis ? N’a-t-il pas donné sa vie pour elles aussi ?

C’est admirable ! Mais… pouvons-nous en faire autant ? Comment pouvons-nous aimer vraiment comme le Christ, aussi bien ceux qui nous aiment que ceux qui ne nous aiment pas ? 

Un jeune apprenti peintre ne réussissant pas à réaliser un paysage comme son maître décida de lui voler ses pinceaux pour voir s’il pourrait faire aussi bien que lui, mais le résultat fut très décevant et il en était fort triste. S’en apercevant, le maître lui demanda ce qui n’allait pas ; il s’ouvrit à lui et lui dit toute la vérité. Le maître lui dit : « Mon pauvre fils, ce n’est pas de mes pinceaux dont tu aurais besoin mais de mon esprit. ». 

Quand Jésus nous dit : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé » et qu’on le regarde sur la Croix aimant ses ennemis et priant pour eux. On se dit : « pour faire cela il me faudrait avoir son Esprit », c’est-à-dire l’Esprit-Saint. Mais n’a-t-il pas promis de le donner à ceux qui l’en prient? 

+ Mgr Alain Ransay, évêque de la Guyane