« Plus de charité »

Lors de son sermon sur la montagne, Jésus évoque la question de ce que nous pourrions appeler « des exercices de piété ». Il s’agit de comportements religieux les plus traditionnels qui soient dans le judaïsme et qui n’étaient d’ailleurs pas propres aux juifs : le jeûne et la prière.

Pour bien des religions, en effet, ces pratiques font partie des fondamentaux. Mais, et c’est là qu’il se singularise, le Dieu d’Israël ne s’intéresse aux exercices spirituels que dans la mesure où ils procèdent d’un cœur miséricordieux. Autrement dit, si nos actes de piété sont sans amour, « vain est le culte qu’ils me rendent » dit le prophète (MC 7,7) et Dieu vomit nos sacrifices (Cf Amos 5, 21-27).

Le culte d’Israël se distingue ainsi des cultes païens pour lesquels « sacré » et « profane » sont non seulement distingués (ce qui est tout à fait normal), mais comportent des cloisons étanches. Une fois qu’on a rendu ses devoirs au(x) dieu(x), on est quitte avec lui.

Le Dieu des juifs ne l’entend pas ainsi. Il veut que le culte qu’on lui rend soit lié à la charité envers nos frères, surtout les plus démunis.

On comprend dès lors que Jésus commence son discours sur ce que nous appelons les exercices spirituels non par la prière – ce à quoi on s’attendrait –  ni par le jeûne, mais par l’aumône. Comme si l’attitude éthique, l’attitude miséricordieuse était un préalable à l’attitude purement religieuse. Il lui donnait pour ainsi dire sa coloration ou, plus exactement, sa vérité.  Ainsi, il me semble que la manière même de Jésus de parler de ces exercices montre non seulement qu’il les lie les uns aux autres, mais qu’il les met sous le primat de la première à savoir la charité.

On jeûne, on se serre la ceinture, non pour capitaliser, à la manière des puritains protestants, fondateurs du capitalisme, ou pour affiner sa ligne. On se prive d’abord pour partager. C’est pour ce motif que le montant des repas, dont on se prive pendant le Carême, est destiné aux pauvres. Il nous est demandé d’en faire une offrande pour les démunis. Notre jeûne sera donc motivé par la charité.

De même, nous sommes invités à prier pas seulement pour nos intérêts personnels mais pour l’Eglise et le monde entier. Notre prière sera ainsi charitable.

Mes chers diocésains, je vous invite, précisément, à une démarche qui plaira au Seigneur : jeûner et intercéder pour les habitants de Gaza, le vendredi 1er mars. En effet, ce peuple est confiné dans la ville de Rapha avec presque plus de nourriture et de médicaments. Si les autorités israéliennes mettent à exécution leur projet, c’est à un carnage auquel nous allons assister. Nous ne pouvons pas rester indifférents quand des enfants, des hommes et des femmes sont dans la plus extrême détresse… Prions et jeûnons pour eux, s’il vous plaît. Je vous invite aussi à participer à la prochaine messe dominicale dans vos paroisses qui sera dite spécialement pour les habitants de Gaza.

Je vous bénis tous et vous souhaite un bon et saint Carême 2024 !

Mgr Alain Ransay, évêque de Cayenne